"Je n'ai jamais eu de problème": les coiffeurs surpris de l'alerte sur les produits de lissage brésilien
"Je n'ai jamais eu de problème avec ces produits", affirme Vanessa Ea, qui enchaîne les lissages brésiliens dans son salon de coiffure sans avoir connaissance d'une alerte sanitaire lancée mercredi sur les produits lissants contenant de l'acide glyoxylique, potentiellement dangereux pour les reins.
Cette gérante d'un petit salon parisien du Xe arrondissement de Paris utilise deux produits de lissage à la kératine dont l'un, "très populaire chez les coiffeurs" selon elle, contient cette substance chimique, et l'autre non, pour cette prestation demandée par des femmes et des hommes, facturée 150 à 240 euros.
Comme la plupart des coiffeurs parisiens interrogés mercredi par l'AFP, elle ignore que les autorités sanitaires viennent de déconseiller l'usage des produits de lissage brésilien contenant cet ingrédient cosmétique, jugé "potentiellement toxique" car pouvant entraîner une insuffisance rénale aigüe. L'acide glyoxylique donne un aspect lisse et brillant aux cheveux pouvant durer plusieurs mois.
A l'origine de cette alerte, "quatre cas d'insuffisance rénale aiguë" chez des personnes âgées de 28 à 42 ans, "en lien avec l'utilisation de différents produits capillaires contenant de l'acide glyoxylique", ont été identifiés en France par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail(Anses).
Hospitalisées, ces quatre personnes, intoxiquées entre janvier et août 2024, "ont guéri suite à un traitement", précise l'agence, qui a lancé une expertise de la toxicité rénale, en application capillaire, de cette substance chimique. L'acide glyoxylique a remplacé le formaldéhyde, classé cancérigène depuis 2013.
- "Sous les radars" -
Les cas sont survenus après application de produits lissants dans un salon de coiffure.
Lorsque l'acide glyoxylique "passe dans le sang par le cuir chevelu", il peut "se transformer en cristaux d'oxalate" de calcium, qui vont causer des dommages rénaux, a expliqué à l'AFP le Dr Juliette Bloch, directrice des alertes et des vigilances sanitaires à l'Anses.
"Il est très probable que d'autres cas soient passés sous les radars: parfois, la personne va aller boire et les cristaux vont s'éliminer, cela passera donc inaperçu. Et même s'il y a eu des insuffisances rénales diagnostiquées dans les heures qui suivent, la personne peut ne pas faire le lien", a-t-elle poursuivi.
Par précaution, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale de la Santé (DGS) déconseillent aux salons de coiffure et aux particuliers d'utiliser ces produits et aux commerces de produits cosmétiques de les vendre, en attendant les conclusions de l'expertise de l'Anses fin 2024.
"Certains coiffeurs, en particulier les chaînes, vont être bien malheureux: ils ne font que ça du matin au soir", s'exclame Patrick Medjkane, coiffeur indépendant qui déclare faire peu de lissages, avec un "produit top, au cacao: au prix où il est, je suis sûr qu'il n'y a pas d'acide glyoxylique dedans".
Vérification faite et à son grand étonnement, c'est le deuxième ingrédient, "écrit tout petit, petit" sur le flacon.
- Cas en Israël et en Suisse -
Mercredi, le syndicat professionnel des fabricants de produits cosmétiques, la Fébéa, a cherché à rassurer. Malgré ces "suspicions concernant la toxicité" de l'acide glyoxylique, "les éléments actuels ne permettent pas de tirer de conclusions définitives et conduisent à rappeler de suivre les instructions d'utilisation et précautions d'emploi", a-t-elle souligné.
En cas de signes d'insuffisance rénale - douleurs abdominales ou lombaires, nausées et/ou vomissements - quelques heures après application d'un produit capillaire contenant de l'acide glyoxylique, il faut "consulter rapidement un médecin ou appeler un centre antipoison" en mentionnant cette utilisation, avertit l'Anses.
Selon sa cheffe de projet produits cosmétiques, Sandrine Charles, "une vingtaine de cas ont été rapportés en Israël ces dernières années" et "un en Suisse".
"Beaucoup de femmes frisées se lissaient les cheveux au quotidien parce qu'elles avaient subi du racisme, de la discrimination ou juste des moqueries", rapporte Wendy Balestrucci, responsable d'un salon dédié au "cheveu texturé, de l'ondulé au crépu" -l'un des quatre ouverts par l'entrepreneuse Laureen Schein, portée par le succès de ses conseils sur les réseaux sociaux.
"Mais pendant le confinement, elles étaient en télétravail et n'avaient plus besoin de se lisser les cheveux... elles ont commencé à prendre le temps de s'occuper de leurs cheveux naturellement", dit-elle.
En juin, au vu d'articles scientifiques sur "un risque sanitaire qui pourrait être sous-estimé, car méconnu", lié aux produits capillaires avec de l'acide glyoxolyque, l'Académie de médecine avait déjà recommandé d'alerter sur le sujet.
P.Conti--IM