Menton, dernière demeure du pionnier du rugby William Webb Ellis, revendique son héritage
William Webb Ellis n'a peut-être pas été le créateur du rugby, mais les habitants de Menton, où il est enterré, ont quoi qu'il en soit adopté l'Anglais comme l'un des leurs.
Sa tombe, située dans le cimetière du Vieux Château, avec vue sur la Méditerranée, domine la cité de 30.000 habitants.
C'est une véritable ascension pour les personnes souffrant de vertige, mais pour les amateurs de rugby, c'est un pèlerinage.
"Nous avons aussi William Percy Carpmael, le fondateur des Barbarians, qui est enterré à Menton", rappelle d'ailleurs Jean-Claude Alarcon, le conseiller municipal chargé des Sports.
Webb Ellis est l'homme qui, selon la légende, a été le premier à ramasser le ballon avec ses mains lors d'un match de football en 1823, établissant ainsi le principe de base du rugby.
Sa dernière demeure a été rénovée sur l'initiative de l'ancien conseiller municipal en charge des cimetières, Patrice Novelli.
Un nouveau garde-corps, sur lequel sont drapés quelques maillots de rugby laissés par les visiteurs, a été installé, la surface de la tombe a été nettoyée et un petit espace vert a été aménagé pour y déposer des fleurs.
"Ils sont parfois subjugués par la vue sur la mer et oublient qu'il s'agit d'un cimetière", explique à l'AFP Patrick Gilli, le gardien du cimetière, au sujet des visiteurs. "Ce n'est pas qu'ils soient volontairement irrespectueux mais je dois leur rappeler que c'est avant tout un lieu de recueillement".
- Culture locale -
Une rue porte également le nom de Webb Ellis, décédé en 1872, et l'église anglicane St John's, située en contrebas du cimetière, près de la mer, possède une plaque qui lui est dédiée.
L'homme lui-même reste cependant mystérieux: sa tombe n'a été découverte qu'à la fin des années 1950 par un journaliste local.
Il est possible qu'il soit venu s'installer à Menton, comme beaucoup de ses compatriotes, parce que le climat était réputé bénéfique pour les tuberculeux.
Il semble en tous les cas n'avoir eu aucune rancune à l'égard des Français, bien que son père, officier de l'armée britannique, ait été tué en Espagne contre les troupes napoléoniennes.
En tant qu'homme d'église, il aurait probablement éprouvé un grand plaisir à voir le Rugby Club Menton Webb Ellis transmettre l'amour du ballon ovale aux écoliers de cette ville frontière avec l'Italie, où le football est roi.
Les deux coprésidents du club amateur ont fait preuve de flair en profitant de l'organisation du Mondial-2023 (8 septembre - 28 octobre) par la France pour placer le rugby au cœur de la culture locale, avec la création, en association avec la mairie, d'une visite de la ville en 21 étapes qui se termine sur le tombeau, mêlant l'histoire de Webb Ellis, celle du rugby et le passé de Menton.
Jean-Baptiste Martini, ancien pilier, et Julien Repiquet, qui s'est mis au rugby en 2007, ont initié le Challenge Webb-Ellis, désormais annuel.
"C'est l'aboutissement de la visite de Lucas Betron, entraîneur du club, dans les écoles de la région pour leur faire découvrir le rugby et le nom de Webb Ellis", explique Julien Repiquet à l'AFP au siège du club.
- "Le premier ou non" -
Repiquet et Martini ont également développé des liens étroits avec le collège de Rugby, ce prestigieux établissement privé du centre de l'Angleterre où Webb Ellis aurait pris le ballon en main pour la première fois.
"L'histoire de Webb Ellis est amusante parce que l'on croit que les Romains et les Grecs jouaient une forme de ce jeu", souligne Jean-Baptiste Martini. "Au Palio de Sienne, qui date de plusieurs siècles, ils jouent à une sorte de rugby, en utilisant leurs pieds et leurs mains".
La renommée et la célébrité de Webb Ellis n'ont qu'un effet limité sur les jeunes Mentonnais, comme le reconnaît Julien Repiquet: "si j'en mettais cinquante devant vous et que je leur demandais qui est Webb Ellis, je parierais que seuls dix d'entre eux connaîtraient la réponse", déclare-t-il en riant.
Cependant, les relations nouées avec le directeur du collège de Rugby devraient bientôt changer la donne.
"Avec +J-B+, nous avons approché la mairie pour voir si nous pouvions organiser l'hébergement d'une vingtaine d'élèves et de professeurs dans le cadre d'un échange d'une semaine. En contrepartie, nous enverrons 20 jeunes et enseignants sur place", explique Julien Repiquet.
Une demande de retour de la dépouille en Angleterre aboutirait-elle? Il semble que les chances soient aussi élevées que les espoirs de l'Angleterre de soulever le trophée Webb-Ellis pour la seconde fois fin octobre. "Nous ne la rendrons pas", affirme ainsi simplement Patrice Novelli.
R.Abate--IM