Vendée Globe: Jérémie Beyou, le chassé devenu chasseur
Jérémie Beyou, grand favori défait par les éléments il y a quatre ans, navigue toujours après une première victoire sur le Vendée Globe. Marqué par cet échec prématuré, il est reparti cette année avec la "sagesse" du vétéran qui ne veut plus, dit-il, être "hanté par le résultat".
"J’essaie d'en garder sous le pied, d'anticiper mes changements de voile au maximum (...) je fais tout pour faire attention au bateau et être vigilant", explique le skipper de 48 ans de l'écurie Charal.
Longtemps considéré comme le skipper à battre, il est parti cette année avec le statut de sérieux prétendant, aux chances légèrement plus faibles que celles du trio de favoris Yoann Richomme (Paprec Arkea), Charlie Dalin (Macif) et Thomas Ruyant (Vulnerable). Mais ce costume de chasseur lui convient pour le moment.
En embuscade dans le groupe des favoris qui a choisi l'option de l'ouest, Beyou (30e) réalise un début de course prudent et maîtrisé depuis le coup de canon le 10 novembre. Comme une manière d'effacer les fantômes de la précédente édition, en 2020-21, "dure à vivre" pour cet habitué des avant-postes.
Grand favori au départ, il avait percuté un Ofni - objet flottant non identifié - au large des côtes espagnoles après 48 heures de course seulement et avait dû retourner aux Sables-d'Olonne pour réparer. Trois mois plus tard, il passait la ligne d'arrivée épuisé, bien après les premiers (13e).
- Nouveau sage ? -
"Ce n'était pas le Vendée dont j'ai rêvé c'est sûr", se rappelle le Finistérien. "Neuf jours avant d'arriver, quand tu vois depuis ton bateau Charlie (Dalin) et Yannick (Bestaven) passer la ligne, tu te dis c'est fini, ils vont fermer la salle, c'est la fin du bal."
Triple vainqueur de la Solitaire du Figaro, deux fois champion de France de course au large et 3e du Vendée Globe 2016-17 derrière Armel Le Cléac'h et Alex Thomson, Beyou a plutôt l'habitude d'arriver avant le gros de la flotte. Pas loin derrière les premiers.
"J'ai rapidement eu envie de prouver à nouveau. Il y a une période où j'étais hanté par le résultat, je ne pensais qu'à ça", reconnaît ce marin d'un tempérament plutôt taiseux, dur au mal, discret et modeste.
Cette volonté de briller lui a plutôt bien réussi lors de la campagne qualificative précédant ce 10e Vendée Globe - il a signé de nombreux podiums pendant trois ans. Mais sans véritable victoire de prestige à ajouter à son imposant palmarès, elle a aussi charrié son lot de stress.
- "La quête d'une vie" -
"Maintenant c'est du passé, je suis dans une nouvelle dynamique", affirme-t-il. "Il y a une vraie volonté de prendre du plaisir sur l'eau, de naviguer à ma main. Cela me permet d'aborder la course avec plus de sérénité."
"Après, cela ne m'empêchera pas de taper sur mon bateau et de péter un petit plomb si je ne vais pas assez vite, mais je sens que je suis plus zen", dit-il en riant avant de souffler, plus doucement: "C'est peut-être un peu de sagesse ?"
Il ne cache toutefois pas son objectif premier, "ce n'est pas le genre de la maison". "Je suis toujours aussi motivé et je veux le gagner, cela va faire 20 ans que j'ai ça en tête, c'est la quête d'une vie", lâche-t-il, déterminé.
Père de trois enfants, le skipper Charal a découvert la voile avec ses parents en baie de Morlaix (Finistère), où les roches abondent et où les courants suivent parfois des itinéraires imprévisibles. Le sien est peut-être de gagner le Vendée Globe lorsque l'on s'y attend le moins ?
L.Bernardi--IM