Sur la Route des Jeux: Pour Marie Wattel, une saison de douleurs
Multiple médaillée aux Championnats du monde et d'Europe, la nageuse Marie Wattel a fini sixième du 100 m papillon, sa course favorite, lors des derniers Jeux Olympiques de Tokyo. Jusqu'aux JO de Paris, elle raconte son parcours à l'AFP.
Dans ce cinquième épisode, elle revient sur une saison de souffrance, parasitée de bout en bout par des douleurs au dos et aux épaules.
. Visualiser la douleur
"Les douleurs se sont installées progressivement et j'avais espoir que ça s'améliore. Je pensais que c'était lié au volume de travail à l'entraînement. Mais même quand on a baissé un peu, c'est resté. C'était dur mentalement parce que la douleur restait ancrée en moi, je n'arrivais pas à m'en sortir. À un moment, j'ai dit +je ne peux pas faire les Mondiaux dans cet état, c'est trop dur+. Chaque mouvement de papillon me faisait mal. On a fait des examens et j'avais des tendinites de chaque côté des épaules et des douleurs dorsales de type sciatique ou discopathie. On a dû s'adapter. En musculation, à la fin je ne faisais vraiment plus grand-chose. Et dans l'eau, on a dû stopper net, ou presque, pour retrouver un peu de fraicheur. Toute l'année a été très dure. Julien (Jacquier, son entraîneur, ndlr) était très exigeant, il avait vraiment mis la barre haute, ce qui est normal quand on vise des objectifs élevés. Malheureusement, avec ces douleurs constantes, j'avais juste envie de sortir de l'eau le plus vite possible pour me reposer et éviter que ça empire. Les entraînements étaient intenses et mon corps ne suivait pas, donc mentalement c'était compliqué. Quand je me visualisais nager, je visualisais avec la douleur, je l'anticipais. Dans ces conditions, ton corps ne peut pas se mettre à 100% dans la force. Je n'ai pas réussi à bloquer toutes ces infos entre corps et cerveau."
. Submergée
"Avec le recul, je me dis que faire 6e aux Mondiaux dans ces conditions, ça n'est pas anodin. Finalement, je me suis surprise. Je n'ai jamais lâché, j'ai toujours continué à croire en moi. Je pense que j'ai géré cette année avec beaucoup de courage et de force mentale. Aujourd'hui je me sens beaucoup plus épanouie à l'entraînement. Les douleurs ont beaucoup diminué et c'est un poids mental en moins énorme. Ce sont des douleurs que j'avais depuis des années, mais à un moment ça explose et ça dépasse le seuil autorisé (rires). Maintenant, c'est redescendu à un niveau tolérable. Je sens que je ne suis plus du tout dans la même énergie. On était dans un engrenage très négatif, je n'arrivais pas à m'en sortir, j'étais submergée. Julien a essayé de m'aider mais on n'était pas dans une bonne dynamique. On a fait comme on pouvait, je ne reproche rien à personne. On a essayé mais certaines choses n'ont pas marché, c'est comme ça. Là, on a fait des ajustements, on a appris de l'année dernière. On ne va pas dépasser la ligne rouge, sinon ça fait trop de charge mentale. On va juste la frôler, tout en continuant à ce que je me sente bien et légère."
. Croire à la médaille
"Vivre cette crise m'a rappelé que j'ai besoin de légèreté et de prendre du plaisir. C'est comme ça que je m'épanouis et que je peux être performante. L'année dernière, tout était lourd à porter. Même dans ma nage, on sentait qu'il n'y avait rien de spontané. Je voulais retrouver de la légèreté, qu'on se fasse confiance, qu'on ne se prenne pas la tête. Je suis sûr que ça va payer. J'ai retrouvé de la force dans ma nage et je n'ai pas besoin de modifier ma technique pour éviter la douleur. Pour la première fois depuis très longtemps, je sens que je vais dans le bon sens. Je fais des choses intéressantes à l'entraînement, qui me permettent de me projeter un peu plus vers une possible médaille olympique. Je crois vraiment en mes capacités. Je ne dis pas que je suis la favorite, mais j'y crois."
Propos recueillis par Stanislas TOUCHOT
E.Colombo--IM