Mondial-2003: "S'arrêter en demi-finale, une grosse désillusion" pour Olivier Magne
Battus par l'Angleterre en demi-finale de la Coupe du monde 2003 en Australie, les Bleus sont "tombés de haut" et ont vécu "une grosse désillusion", se souvient l'ancien troisième ligne du XV de France Olivier Magne (50 ans, 89 sélections), dans un entretien accordé à l'AFP.
QUESTION: En 2003, tous les clignotants semblent au vert pour les Bleus avec une nouvelle génération qui amène un nouveau souffle...
REPONSE: "Oui, c'est un peu ça. Une génération qui arrive à maturité, quasiment au maximum de son potentiel en nombre de sélections avec les Pelous, Galthié, Ibanez, Dominici et moi-même... complétée par des jeunes joueurs incroyables plein d'insouciance."
Q: Comme en 1999, vous réalisez le Grand Chelem dans le Tournoi l'année précédent le Mondial mais les similitudes s'arrêtent là...
R: "Par rapport à 1999, où le projet de jeu était complétement différent, l'entraîneur (Bernard Laporte, NDLR) n'avait pas du tout les mêmes principes que ses prédécesseurs. Et le rugby, en l'espace de ces quelques années, a évolué de manière très professionnelle. Entre 1999 et 2003, il y a un +gap+, un fossé, qui s'est creusé, ce sont deux rugbys différents."
Q: Le premier tour se passe sans aucune fausse note. Vous dites-vous que vous êtes bien lancés?
R: "Rarement on avait ressenti autant de maîtrise dans notre rugby que sur ces matches de poules. A côté de 1999, on avait beaucoup de sérénité, beaucoup moins d'interrogations et de doutes, c'était le jour et la nuit. On était vraiment dans d'autres dispositions, avec une équipe sûre d'elle, des garçons qui ont un vécu important et une Coupe du monde déjà à leur actif. C'était chouette de pouvoir jouer comme ça contre l'Ecosse (51-9), les Fidji (61-18). L'équipe de France n'avait jamais marqué autant de points en Coupe du monde que lors de ces matches de poules. C'était assez exceptionnel, cela nous a permis de prendre du plaisir, de se régler au niveau du jeu, d'être bien conscients de nos forces, de savoir vers quel jeu on allait s'orienter. Cela nous a donné beaucoup de confiance pour la suite contre l'Irlande."
Q: Après l'Irlande, qui est une formalité en quart (43-21), place à l'Angleterre en demie...
R: "On a bien disséqué tout le jeu anglais. Ils vivent un tournoi un peu compliqué, ils ont du mal à trouver leurs automatismes, ils sont en difficulté contre le pays de Galles en quarts, ça passe juste (28-17 après avoir été menés 10-3 à la pause, NDLR). On fait une très bonne préparation sur la lancée de ce que l'on avait fait tout au long de la compétition."
Q: Malheureusement, le jour du match, le ciel vous tombe sur la tête...
R: "Oui et ça change tout. On était un peu décontenancés de voir qu'il pleuvait des cordes alors qu'on s'était préparés à de fortes chaleurs, à un temps sec. On n'était pas disposés à fermer le jeu, à jouer sur la stratégie, le jeu au pied... On n'avait peut-être pas les moyens de le faire, je ne sais pas. Dans les dispositions où étaient les Anglais, avec les joueurs qu'ils possédaient, ils avaient un coup d'avance par rapport à nous qui voulions mettre du mouvement et de la vitesse."
Q: Avec trois drops et cinq pénalités, Jonny Wilkinson a survolé ce match...
R: "Je ne suis pas convaincu. On a aussi été pris un peu devant, on a été surpris de la puissance des avants anglais, on a souffert. En début de match, on marque un peu à la surprise générale. Derrière, on a des pénalités et des points qu'on ne met pas et sur une demi-finale, il faut mettre les points. L'avantage qu'on aurait pu prendre au score en première période, on ne le prend pas et là, la pression s'inverse. On commet des fautes, il y a les cartons jaunes de Serge (Betsen) et de Christophe (Dominici), ça pose problème. Ce n'était pas une grande équipe d'Angleterre ce jour-là. D'ailleurs sur l'ensemble de la compétition, sur le plan rugbystique, elle ne produit pas un très grand rugby. On peut se consoler en disant qu'on a perdu contre le champion du monde mais c'est une mince consolation."
Q: Vingt ans après, on imagine qu'il y a beaucoup de regrets?
R: "Oui, plus qu'en 1999 car si une équipe était préparée pour être championne du monde, c'était en 2003. On s'était convaincus qu'on pouvait être champions du monde, c'était évident et, de s'arrêter en demi-finale, c'est une grosse désillusion, tellement importante que ça part un peu +en couille+ derrière. C'est le sport mais on tombe de haut."
Propos recueillis par Raphaël PERRY
P.Russo--IM