"Oublier Boston", "priorité Paris": le Kényan Kipchoge, les yeux rivés sur le marathon des JO
"La priorité, c'est les Jeux olympiques et gagner une troisième fois": deux mois après sa déconvenue au marathon de Boston, le Kényan Eliud Kipchoge affirme dans un entretien à l'AFP sa volonté de continuer à écrire sa légende l'an prochain à Paris.
Ces dernières années, celui qui est considéré comme le plus grand marathonien de l'histoire s'est lancé de nombreux défis, insatiable malgré ses deux titres olympiques (2016, 2021), son record du monde (2h01:09 à Berlin en 2022) et ses dix victoires sur les marathons "majeurs" en dix ans de domination sur la distance reine.
Il s'est employé à briser la barre mythique des deux heures pour couvrir les 42,195 kilomètres, ce qu'il a réalisé en 2019 lors d'une course non homologuée organisée par son sponsor (1h59:40). Il lui manque également des victoires aux marathons de Boston et New York pour devenir le premier homme à s'imposer sur les six "majeurs".
Mais à bientôt 39 ans, "la priorité maintenant est de se concentrer sur les Jeux olympiques et gagner une troisième fois.
Les autres (défis) viendront" plus tard, déclare Eliud Kipchoge dans un entretien accordé à l'AFP dans son camp d'entraînement kényan de Kaptagat, sur les plateaux de la vallée du Rift.
Ses deux médailles d'or olympiques en marathon l'ont placé à la hauteur de l'Éthiopien Abebe Bikila (1960, 1964) et l'Allemand Waldemar Cierpinski (1976, 1980). Une troisième en ferait le géant incontesté de la discipline aux Jeux.
Elle aurait également une forte valeur symbolique dans la ville où il avait remporté en 2003, à 18 ans, sa première couronne internationale: un titre de champion du monde du 5.000 mètres devant deux légendes du sport, le Marocain Hicham El Guerrouj et l'Ethiopien Kenenisa Bekele.
Kipchoge n'exclut d'ailleurs pas de renoncer à ses autres défis. "Si le moment arrive de raccrocher les chaussures de course, je dirai au revoir à d'autres grandes choses dans le sport", affirme-t-il.
- "Je me connais" -
Assis sur un banc ombragé dans le camp de Kaptagat où il vit et s'entraîne plusieurs mois par an depuis 20 ans, il revient sur sa contre-performance du 17 avril au marathon de Boston, où il avait décroché de la tête au 30e kilomètre et terminé sixième.
Cette défaillance rare a marqué les esprits, y compris le sien.
"J'essaie d'oublier ce qui s'est passé à Boston, déclare-t-il de sa voix imperturbable. "C'est toujours dans un coin de ma tête, l'esprit est toujours traversé par certaines choses, mais j'ai confiance que ce soit parti (...) Ce qui s'est passé est passé".
Avec son entraîneur de toujours Patrick Sang, il a analysé les raisons de cette contre-performance: "C'est surtout (un problème à) mon ischio-jambier".
Il balaie les inquiétudes sur ses difficultés sur les parcours vallonnés, comme ceux de Boston et New York et comme le sera celui des Jeux de Paris.
"Ce n'est pas vraiment une préoccupation, mais je respecte l'avis de chacun. Je pense que c'était une mauvaise journée. J'ai hâte d'être à l'année prochaine. (...) Tout le monde peut écrire ce qu'il veut, je ne le contrôle pas. Mais je me connais", affirme-t-il.
- Un marathon à l'automne -
"Je vais bien, l'entraînement se passe bien", assure-t-il, alors qu'il prépare son dernier marathon de l'année, sans annoncer le lieu, a priori entre Berlin (24 septembre), Chicago (8 octobre) et New York (5 novembre). "Fin juillet, je saurai où je vais".
Il suit son programme d'entraînement habituel, avalant plus de 200 kilomètres par semaine sur les routes de terre rouge de la forêt de Kaptagat, à 2.400 mètres d'altitude.
Parmi la vingtaine de partenaires d'entraînement présents au camp au moment de l'entretien, on trouve la nouvelle détentrice des records du monde du 1.500 m et 5.000 m Faith Kipyegon et le double vainqueur du marathon de New York (2017, 2019) Geoffrey Kamworor.
Doyen respecté de l'athlétisme kényan, Eliud Kipchoge ne voit pas d'un mauvais œil l'éclosion de son compatriote Kelvin Kiptum (23 ans), vainqueur le 23 avril du marathon de Londres en 2h01:25, le deuxième meilleur temps de l'histoire, à seulement 16 secondes de son record du monde.
"Je veux être une source d'inspiration et j'espère que le fait d'avoir battu le record du monde à deux reprises est une source d'inspiration pour de nombreux jeunes. J'espère qu'ils voudront plus et battre mes records", estime-t-il.
- Tests antidopage, "la priorité" -
Mais dans un pays où l'athlétisme a été pointé du doigt par les instances internationales comme étant gangrené par un dopage à grande échelle, il s'oppose aux athlètes qui "prennent des raccourcis" pour arriver au succès.
"Le dopage est présent", admet-il.
Selon lui, "il faut tout mettre dans les contrôles". "Je pense que les tests jouent à 80% et la sensibilisation ne joue qu'à 20%, parce que tous ceux qui se dopent (...) savent ce qui se passe".
"A partir du moment où l'on donne la priorité aux tests, où l'on recense ceux qui s'occupent des athlètes à travers le pays, nous aurons les bonnes données pour savoir qui est qui", estime-t-il: "Mais si nous ignorons (qui sont) vraiment les personnes qui travaillent avec les athlètes et les athlètes eux-mêmes, nous sommes en danger."
E.Mancini--IM