Roland-Garros: Novak Djokovic, le N.1 du tennis et des polémiques
Les polémiques collent à Novak Djokovic comme le pansement du capitaine Haddock, mais désormais le Serbe y prête moins attention: il est devenu dimanche le plus grand joueur de tous les temps en remportant à Roland-Garros son 23e titre du Grand Chelem.
Après un Open d'Australie mouvementé, il a de nouveau créé un petit incident diplomatique à Paris en réaffirmant que "le Kosovo était le coeur de la Serbie" au moment où des heurts y avaient lieu. Il a également utilisé en match un mystérieux patch collé sur le sternum et a donné une explication provocatrice.
"Quand j’étais enfant, j'adorais Iron Man. Donc mon équipe utilise une nanotechnologie fantastique qui me permet de donner le meilleur de moi-même. C’est le secret de ma carrière", a-t-il raconté.
La liste des mésaventures, des faux pas, des attitudes incomprises est devenue trop longue pour que le champion espère arriver un jour à la cheville de Rafael Nadal et de Roger Federer en popularité, hors Serbie et Balkans où il est sanctifié.
Il a simplement souligné ironiquement à Roland-Garros, que "manifestement (il) ne vivrait plus de tournoi du Grand Chelem sans polémique", tout en assurant qu'il y trouvait "une motivation".
En principe, cet homme marié et père de deux enfants a tout pour être une idole: affable, respectueux, disponible, drôle, patriote mais ouvert sur le monde, intelligent, cultivé, polyglotte... Et pourtant.
Durant sa carrière, il lui est arrivé d'être hué par une minorité des spectateurs. Trop mécanique ? Trop prévisible ? Trop défensif ? Un peu comédien ? Un peu arrogant ? Peut-être trop fort, tout simplement.
"Le fait est que 90% du temps, voire plus, je joue contre mon adversaire et aussi contre le stade. J'ai l'habitude, mais je suis humain, j'ai des émotions, et il m'arrive d'être agacé quand on me provoque", a-t-il dit un jour à Wimbledon.
- Efforts infructueux -
Le champion s'est pourtant donné de la peine pour inverser cette tendance, par exemple en envoyant des signes de gratitude aux quatre tribunes après chacune de ses victoires ou en s'adressant au public local dans sa langue (notamment en français, en italien, en allemand et dans un excellent anglais).
Le soutien reçu en finale de l'US Open 2021 où, après s'être imposé à l'Open d'Australie, à Roland-Garros et à Wimbledon, il a échoué face à Daniil Medvedev à un match de l'exploit ultime du tennis, le Grand Chelem, aurait pu marquer le tournant tant attendu.
Mais ce moment de grâce avec le public a été très éphémère. Quelques semaines plus tard, il était rattrapé par les polémiques lorsque la question de la vaccination obligatoire pour entrer en Australie est revenue sur le tapis et qu'il n'a opposé qu'un silence d'abord mystérieux, puis agaçant.
Plusieurs fois il a sabordé ses efforts par des initiatives malheureuses, comme l'organisation d'une tournée en ex-Yougoslavie en pleine pandémie qui a viré au foyer épidémique.
Il y a eu aussi sa disqualification en 8es de finale de l'US Open 2020 pour avoir, involontairement, touché une juge de ligne avec une balle dans un geste de colère. Ou encore des jets de raquette, aux Masters de 2016 et ailleurs.
- Moisson en cours -
S'il a échoué à conquérir les coeurs, sa moisson de titres, en cours à 36 ans, a comblé ses ambitions, hautes depuis toujours: à sept ans il déclarait à la télévision serbe vouloir devenir N.1 mondial.
Djokovic a remporté 23 titres du Grand Chelem (record chez les hommes, à une longueur du record absolu de Margaret Court), 94 tournois sur le circuit principal, dont 38 Masters 1000 (record) et six Masters (record codétenu avec Federer). Lundi il commencera sa 388e semaine au premier rang mondial (record).
Ses gains financiers sont bien sûr à la hauteur de ces succès avec près de 170 millions de dollars amassés uniquement en "prize money" (les prix distribués par les tournois), sans compter les revenus publicitaires et autres. Un sort heureux qui ne lui était pas garanti par la naissance.
Car Djokovic, né à Belgrade le 22 mai 1987, n'a pas grandi dans un cocon. À 12 ans, pour échapper aux bombardements de l'Otan pendant la guerre dans les Balkans, il a passé pendant deux mois et demi ses nuits dans des abris antiaériens et ses journées... sur un court de tennis, car l'école était fermée.
Puis sa famille, qui tenait une pizzeria dans une petite station de ski, a fait de gros efforts financiers pour envoyer le prodige dans une école de tennis pendant trois ans en Allemagne, avant qu'il devienne professionnel en 2003.
La recette de son succès sportif est un mélange d'ingrédients évidents comme le talent et le travail, de composants plus recherchés (régime sans gluten pour la résistance, yoga pour la souplesse et le relâchement mental) et d'autres plus ou moins étranges: une chambre à oxygène pour la récupération, un gourou pour le mental, des visites à une mystérieuse "pyramide" en Bosnie pour l'"énergie"... Autant de grain à moudre pour ses adversaires.
J.Romagnoli--IM