JO-2022/Dopage: le président du CIO s'en prend à l'entourage de Kamila Valieva
"Glacial", "dédaigneux": au lendemain de l'implosion de Kamila Valieva sur la glace olympique, le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach n'a pas mâché ses mots vendredi pour critiquer l'attitude de son entourage, en particulier la froideur de son entraîneure à la réputation déjà controversée.
Thomas Bach n'était pas dans les tribunes du Palais omnisports de Pékin pour assister jeudi soir au programme libre de l'épreuve individuelle de patinage artistique, mais il s'est tout de même dit "très troublé" par la prestation de Kamila Valieva qu'il a suivie à la télévision.
"La voir craquer sur la glace, pleurer et essayer de finir son programme était difficile. Dans chaque mouvement, dans son langage corporel, on voyait le stress immense", a déclaré Thomas Bach lors de sa traditionnelle conférence de presse de fin de JO.
Le patron de l'instance, lui-même champion olympique d'escrime, fait référence aux deux chutes, aux maladresses et autres erreurs de la prodige russe qui a fini par craquer lors du programme libre le plus important de sa carrière après avoir passé plus d'une semaine au cœur d'une tempête née d'un contrôle antidopage positif.
Favorite pour le titre et en tête après le programme court, Valieva n'a finalement obtenu que 141,93 points et une note totale de 224,09 points, synonyme de quatrième place, loin de sa compatriote et partenaire d'entraînement Anna Shcherbakova, sacrée championne olympique à 17 ans.
- Enquête de l'AMA -
Mais plus que l'implosion mentale de la patineuse, ce qui a interloqué le patron du CIO, c'est ce qui s'est passé à sa sortie de la glace lorsqu'elle a été accueillie par des reproches d'Eteri Tutberidze: "Pourquoi tu as baissé les bras? Pourquoi tu as cessé de te battre? Explique-moi... Tu as laissé tomber...", a asséné la coach à la tête d'une véritable usine de championnes de Moscou.
Pour le patron du CIO, cette scène était "glaciale, au lieu d'essayer de l'aider et de la réconforter": "On sentait la distance et en interprétant son langage corporel (de son entraîneure, ndlr) c'était dédaigneux. Je me suis demandé comment on pouvait être vraiment aussi froid", a déploré Thomas Bach.
"Cela ne m'inspire pas beaucoup de confiance dans son entourage, indépendamment de ce qui a pu se passer, ou va se passer dans le futur, comment (est-il possible de) traiter une athlète mineure de 15 ans comme cela?", a-t-il conclu.
Ce n'est pas la première fois que l'entourage de Valieva est montré du doigt: l'Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé qu'elle enquêtait sur "le personnel de soutien", sans plus de détails, après que la championne d'Europe 2022 a été contrôlé positive fin décembre à la trimétazidine, utilisée pour soigner les angines de poitrine et interdite par l'AMA depuis 2014, car il favoriserait la circulation sanguine.
Le ministère russe des Sports Oleg Matytsin a regretté les commentaires de Thomas Bach, estimant qu'il aurait dû faire preuve de "plus de réserve": "Juger le comportement d'un entraîneur et sa relation avec un athlète à la TV est pour le moins discutable".
- "Rarement seul" -
L'affaire Valieva a éclaté en pleins JO-2022, lorsque son contrôle positif a été notifié à la patineuse juste après sa victoire dans l'épreuve par équipes avec la Russie. A 24 heures du début de l'épreuve individuelle, le Tribunal arbitral du sport, saisi en urgence par le CIO et l'AMA, a validé la décision de l'antidopage russe de lever la suspension de Valieva sous prétexte que la priver des JO-2022 lui causerait "un préjudice "irréparable".
"La question de l'entourage est extrêmement importante, car (Valieva) est une mineure et il faut qu'on nous explique comment elle peut avoir dans le corps des produits qui manifestement ne devraient s'y trouver", a rappelé M. Bach.
"Selon mon expérience des cas de dopage que j'ai eu à gérer, quand il y a dopage, cela se fait très rarement seul", a-t-il insisté.
Cette affaire pose aussi la question de l'âge des compétitrices, souvent mineures en patinage artistique: faut-il fixer un âge minimum? "Nous allons entamer des discussions sur cette question, il faut y réfléchir calmement avec l'AMA d'un côté et les fédérations internationales pour savoir s'il y a besoin de régulation".
La Fédération internationale de patinage a indiqué à l'AFP qu'elle allait proposer de relever l'âge minimum pour concourir en seniors, actuellement de 15 ans pour le porter à 17 ans, lors de son prochain congrès prévu du 6 au 10 juin.
Mais pour l'heure, la question la plus pressante aux yeux de Thomas Bach concerne Kamila Valieva et son entourage: "Toute la lumière sera faite et nous n'hésiterons pas à prendre toutes les mesures nécessaires, même les plus fortes", a-t-il prévenu.
N.Baggi--IM