La vaccination, point faible de la Chine pour sortir du "zéro Covid"
Au moment où la Chine amorce enfin sa sortie du "zéro Covid", le faible taux de vaccination des personnes âgées inquiète, le virus pouvant selon des estimations provoquer le décès de jusqu'à 2,1 million de personnes.
Un tiers des Chinois de 80 ans et plus n'est toujours pas pleinement vacciné, sur un taux de vaccination de moins de 10% de la population totale.
Les autorités sanitaires ont annoncé mercredi un assouplissement général des restrictions mais des experts préviennent que la Chine pourrait désormais affronter une hausse incontrôlée des infections, à laquelle son système de santé n'est pas préparé.
Parmi les plus exposés: les personnes âgées, encore réticentes. Mme Sun, 76 ans, assure ainsi à l'AFP qu'elle "ne recevra aucune autre dose", après avoir accepté une injection en échange de 100 yuans (14 dollars) et un sac de riz.
"Il n'y a pas eu de cas dans le coin, et je voyage rarement en dehors de mon quartier, donc ce n'est pas nécessaire", dit cette habitante de la province du Zhejiang (est).
La société britannique d'analyses médicales Airfinity a récemment livré des prédictions inquiétantes: jusqu'à 2,1 millions de personnes pourraient mourir du Covid en Chine, compte tenu des niveaux d'immunité actuels.
Pour arriver à ce chiffre, elle s'est inspirée de la 5e vague survenue à Hong Kong cette année, où l'hésitation des personnes âgées à se faire vacciner a été dramatique.
Sur les plus de 10.500 décès enregistrés alors, 67% concernaient des personnes non immunisées et plus de 95%, des personnes âgées de 60 ans et plus. L'âge moyen des victimes était de 86 ans.
- Pas d'obligation -
Pendant près de trois ans, la stricte politique sanitaire menée par Pékin a entraîné des confinements de quartiers voire de villes entières, tandis que la population devait se faire tester quasiment tous les jours.
Mais les autorités n'ont pas voulu imposer d'obligation vaccinale, offrant plutôt des récompenses - bons d'achats, repas gratuits... - pour inciter les personnes âgées à se faire immuniser.
En juillet, quand la ville de Pékin a voulu restreindre l'accès aux lieux publics aux seuls vaccinés, elle a vite dû abandonner face à la colère de la population, encore traumatisée par des scandales liés à des vaccins chinois ces dernières années.
La stratégie "zéro Covid" a eu "tendance à marginaliser le rôle des vaccins dans l'application des mesures", selon Yanzhong Huang, du Conseil sur les relations internationales, groupe de réflexion basé à New York.
Et, à l'inverse des autres pays où les plus âgés étaient prioritaires pour la vaccination, la Chine a préféré, en lançant sa campagne en 2021, faire passer d'abord les employés de secteurs "à haut risque", puis les personnes en âge de travailler.
Aujourd'hui, l'absence de lignes directrices claires fait toujours douter les seniors chinois sur la sûreté des vaccins, observe Ben Cowling, professeur d'épidémiologie à l'école de santé publique de l'université de Hong Kong.
Et le nombre limité de cas en Chine jusqu'à présent a fait que "le bénéfice perçu de la vaccination est encore assez faible", explique-t-il: "Si vous n'êtes pas susceptible d'être infecté... vous ne tirerez peut-être aucun bénéfice de la vaccination".
Les autorités locales doivent produire "des brochures faciles à comprendre" sur la vaccination et s'appuyer sur les familles pour encourager leurs membres les plus âgés à recevoir les injections, a déclaré la semaine dernière le gouvernement chinois.
- "Nationalisme" -
A Pékin, Mme Tian raconte que ses parents et beaux-parents, tous âgés, ont finalement accepté d'avoir une dose après avoir vu leurs voisins faire de même.
"Si vous voyez beaucoup de gens que vous connaissez faire la queue pour se faire vacciner, alors vous n'allez probablement pas être trop inquiet de recevoir un vaccin", dit-elle.
Mais même si la Chine parvient à remonter son taux de vaccination, des doutes persistent sur l'efficacité à long terme des vaccins chinois.
Pékin refuse encore d'autoriser les vaccins à ARN comme Pfizer-BioNTech et Moderna, réputés plus efficaces.
"Le nationalisme joue un grand rôle" dans ce refus, ont commenté récemment Yanzhong Huang, J. Stephen Morrison et Scott Kennedy dans un texte publié par le Centre d'études stratégiques et internationales.
Ce qui "signifie que les formules occidentales comme les vaccins à ARN et les antiviraux sont hors jeu".
Certes, une étude de l'université de Hong Kong a montré que trois doses de Sinovac apportent "des niveaux élevés de protection contre les cas graves", notamment pour ceux âgés de 60 ans et plus.
Si trois doses d'un vaccin chinois permettent en effet de "réduire efficacement" le nombre de décès, la Chine devra proposer des vaccins à ARN pour immuniser à long terme sa population, préconise Xi Chen, professeur associé à l'école de santé publique de l'université de Yale.
E.Accardi--IM