Assemblée: vote solennel sur des moyens pour la sécurité, l'exécutif lorgne à droite
L'Assemblée nationale doit approuver mardi un projet de loi de programmation et d'orientation du ministère de l'Intérieur: 15 milliards d'euros sur cinq ans, et des mesures qui séduisent à droite mais divisent à gauche.
Déjà conforté par un large feu vert au Sénat à majorité de droite (307 voix pour, dont les socialistes, 27 contre), le ministre Gérald Darmanin espère une adoption nette lors du vote solennel en fin d'après-midi, après les traditionnelles questions au gouvernement.
Il avait eu beau jeu d'appeler à l'"esprit de concorde", au début de cette première lecture la semaine dernière. Le député LFI Ugo Bernalicis lui avait répondu d'emblée par une motion de rejet, dénonçant la vision d'une police "entre Terminator et Robocop".
Communistes et écologistes ont également combattu le texte dans des échanges parfois tendus avec le ministre.
Les trois groupes se dirigent vers un vote contre. Pas tant à cause des crédits supplémentaires - dont une moitié doit aller à la modernisation numérique - qu'en raison de dispositions qui les accompagnent.
Dans leur viseur, l'extension du nombre de délits qui pourront être assujettis à une amende forfaitaire délictuelle, infligée par un agent en dehors d'un procès, par exemple pour entrave à la circulation routière.
Le gouvernement invoque une simplification de la réponse pénale, la gauche l'accuse d'ouvrir la voie à une offensive déguisée contre des manifestants ou des militants pour le climat, voire de se préparer à la contestation de la réforme des retraites.
Cela fait "pencher le texte vers un dangereux slogan: le problème de la police serait la justice", accuse Elsa Faucillon (PCF).
- Voix socialistes en suspens -
Les socialistes partent d'une position moins hostile au texte que le reste de l'alliance de gauche Nupes. "Il y a un peu de discorde chez l’ennemi", a ironisé Gérald Darmanin.
Les députés PS ont notamment salué "beaucoup de choses intéressantes" dans le projet de loi, mais déploré comme leurs camarades de gauche le manque de mesures pour recréer du lien entre police et population.
Ils ont notamment obtenu en séance le principe de la création d'un "collège de déontologie" auprès du ministre.
"S'ils respectent leurs élus locaux, ils voteront pour" le texte, estime un député Renaissance. Des abstentions sont aussi possibles au sein du groupe PS, qui doit décider de sa position mardi matin.
L'équation semble plus simple à droite et à l'extrême droite. "On n'a jamais dans notre histoire voté contre des moyens supplémentaires pour les forces de l'ordre", rappelle le patron des députés LR Olivier Marleix.
Jugeant néanmoins le projet gouvernemental "insuffisant", les élus de droite ont obtenu le quasi-doublement, à 3.000, des places en centres de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière.
La cheffe du groupe RN Marine Le Pen voit elle dans ce texte de loi une "petite victoire idéologique", même si sa portée est jugée limitée.
Après ce vote, députés et sénateurs tenteront de s'accorder sur une version commune du projet de loi en commission mixte.
- Création de postes et modernisation -
Avec la hausse des crédits, il est prévu 8.500 postes supplémentaires de policiers et gendarmes sur le quinquennat. Ainsi, 11 nouvelles unités de forces mobiles "spécialisées dans l'intervention rapide" seront créées. Et, pour assurer la sécurité dans les zones rurales, 200 brigades de gendarmerie.
Pour lutter contre la cybercriminalité, en constante augmentation, le texte permettra les saisies d'actifs numériques comme les cryptomonnaies.
Le projet de loi ouvre la possibilité pour certaines infractions de déposer plainte en visioconférence, et durcit la répression des outrages sexistes et sexuels.
Il présente en outre une feuille de route du ministère (sur le numérique, la formation, la place de Frontex dans le contrôle aux frontières nationale, etc...).
Ses quelque 450 alinéas sont sans valeur législative, mais ont cristallisé les tensions, notamment parce qu'il ouvre la voie à la réforme de la police judiciaire, très critiquée par les oppositions.
U.Sparacello--IM