Libérée, la ville ukrainienne de Kherson maintenant sous les obus des Russes
Après que l'armée russe, tout juste rejetée de l'autre côté du fleuve, a pilonné la zone industrielle et incendié un dépôt pétrolier non loin de leur immeuble de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, Iouri Mosolov et sa femme ont décidé qu'il était temps de partir.
Ils ont chargé les sacs dans leur canot au bord du Dniepr, et ont descendu le fleuve jusqu'à leur datcha d'été, où ils espèrent échapper aux combats et aux bombardements qui frappent maintenant Kherson.
Pendant huit mois, ils ont enduré l'occupation par l'armée russe, qui s'était emparée de Kherson peu après le début de la guerre lancée par Vladimir Poutine contre l'Ukraine le 24 février.
Mais une semaine à peine après que les forces ukrainiennes ont repris Kherson aux Russes, Iouri Mosolov a senti qu'un nouveau danger pesait sur la ville.
"Nous avons survécu à l'occupation, nous survivrons aux bombardements", a-t-il dit à l'AFP dimanche, en regardant les colonnes de fumée noire s'élevant au-dessus de la zone industrielle toute proche.
Mais les frappes contre le dépôt pétrolier près de chez eux ont secoué le couple.
"Après les bombardements d'hier, ma femme a dit +Ne prenons pas trop de risques, partons+", a expliqué M. Mosolov.
- Nouvelle ligne de front -
Pendant les huit mois d'occupation, Kherson a été en grande partie épargnée par les combats acharnés et les pilonnages d'artillerie qui ont laissé d'autres villes en ruines comme Marioupol, une autre cité portuaire du sud tombée aux mains des Russes.
Les deux armées, qui se font face de part et d'autre de ce fleuve imposant, s'engagent désormais de plus en plus dans des échanges de tirs d'artillerie lourde, dont l'écho résonne régulièrement dans la ville.
"Les duels d'artillerie continuent, le combat continue", a dit Dmytro Pletentchouk, porte-parole des militaires ukrainiens dans la zone. "Kherson est maintenant sur la ligne de front".
Non loin de la ville, l'artillerie russe a frappé samedi un point de distribution d'aide humanitaire dans le village de Bilozerka.
- "Tout le monde a peur" -
Dimanche, les lieux, où se tenait habituellement un marché de plein air, étaient pratiquement déserts, les habitants restant terrés chez eux de crainte de nouvelles frappes.
"Vous voyez, il n'y a plus personne parce que tout le monde a peur", a dit Anna Kovalska, 38 ans, qui tient une boutique non loin de là.
Beaucoup craignent que les bombardements réguliers ne soient le signe annonciateur de combats à venir.
L'armée ukrainienne semble avoir entrepris de rapprocher ses armes lourdes de la ville pour frapper les positions russes au-delà du Dniepr.
La population endure d'ores et déjà des coupures d'électricité et d'eau courante à l'entrée de l'hiver, les forces russes ayant détruit les infrastructures de la ville avant de quitter Kherson.
"Nous n'avons pas peur d'être sans eau et sans électricité, mais nous avons peur des explosions", dit Alyouna Yanyk, 43 ans, qui travaille dans une épicerie près de la zone industrielle de Kherson.
Mais pour beaucoup, même si les Russes lâchent toute leur puissance de feu sur la ville, il ne sera pas question de partir.
"J'ai peur. Les bombes tombent maintenant toutes les heures", confie Serguei Goudym, l'ingénieur en chef du dépôt pétrolier, occupé à évaluer les dégâts infligés à ses installations. "Je vais rester. Je n'ai nulle part où aller".
N.Baggi--IM