Le ministre de la Justice nomme un procureur spécial pour enquêter sur Trump
Le ministre américain de la Justice a nommé vendredi "dans l'intérêt du public" un procureur expert en crimes de guerre pour enquêter de façon indépendante sur Donald Trump, trois jours après sa déclaration de candidature à la présidentielle de 2024.
Merrick Garland a annoncé lors d'une allocution télévisée avoir confié cette mission extrêmement "sensible" à Jack Smith, procureur basé à La Haye du Tribunal spécial pour le Kosovo.
"Etant donné les récents développements, notamment l'annonce par l'ancien président de sa candidature à la prochaine présidentielle et l'intention de se porter candidat de l'actuel président, j'ai conclu qu'il était dans l'intérêt du public que je nomme un procureur spécial", a-t-il déclaré.
Jack Smith prend immédiatement la tête de deux enquêtes distinctes menées depuis des mois par la justice fédérale: la première porte sur les suites de la présidentielle de 2020, la seconde sur la gestion par l'ex-président de documents confidentiels censés être archivés.
Le procureur Smith, dans un communiqué, a immédiatement promis d'agir "vite", "en toute indépendance" et "de manière approfondie".
Sachant que Donald Trump ne devrait pas manquer de dénoncer une justice politisée et une nouvelle "chasse aux sorcières", Merrick Garland a également insisté sur l'impartialité du procureur.
"En tant que procureur spécial, il exercera son jugement professionnel de manière indépendante pour décider si il doit y avoir une inculpation" dans l'un ou l'autre de ces dossiers, a précisé le ministre.
La première série d'investigations confiées à Jack Smith porte sur les efforts de Donald Trump pour contester sa défaite à la présidentielle de 2020, jusqu'à l'assaut mené par ses partisans contre le Capitole le 6 janvier 2021, au moment de la certification de la victoire de son rival démocrate Joe Biden.
Cette enquête tentaculaire a déjà entraîné l'inculpation de près de 900 personnes ayant directement participé aux violences.
Mais les procureurs n'ont jamais exclu de s'intéresser à d'autres acteurs. "Chaque personne qui est pénalement responsable des efforts pour annuler l'élection devra répondre de ses actes", a déclaré à plusieurs reprises Merrick Garland dans le passé.
- Intense bataille judiciaire -
La seconde enquête porte sur les archives de la Maison Blanche.
En quittant la présidence, Donald Trump a emporté des boîtes entières de documents. Or, une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l'ensemble de ses emails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.
En janvier, il a rendu 15 cartons. Après examen, la police fédérale a estimé qu'il en conservait probablement d'autres dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, en Floride.
Des agents du FBI y ont mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d'un mandat pour "rétention de documents classifiés" et "entrave à une enquête fédérale", et ont saisi une trentaine d'autres boîtes.
Une intense bataille judiciaire s'est alors ouverte pour déterminer la nature des documents saisis --classifiés, personnels ou déclassifiés-- ce qui a ralenti la procédure mais, là encore, une inculpation fédérale reste possible.
Dans le passé, Donald Trump a déjà fait l'objet d'une enquête supervisée par un procureur spécial: Robert Mueller avait été chargé en 2017 d'établir s'il y avait eu une collusion entre son équipe de campagne et la Russie lors de la présidentielle de 2016.
Après deux ans d'enquête, il avait jugé ne pas avoir assez de preuves d'un complot entre Moscou et l'équipe Trump, mais avait relevé une série de pressions troublantes exercées par le locataire de la Maison Blanche sur son enquête et s'était dit incapable de le blanchir des soupçons d'entrave à la justice.
Le ministre de la Justice de l'époque, le républicain Bill Barr, n'avait toutefois pas jugé nécessaire de le poursuivre.
Pendant son mandat, Donald Trump a également été visé par deux procès en destitution : l'un, pour "abus de pouvoir", portait sur des pressions exercées par le président sur l'Ukraine afin qu'elle lui donne des éléments embarrassants pour Joe Biden; l'autre pour "incitation à l'insurrection" dans l'attaque du Capitole. Il a été acquitté dans les deux dossiers grâce à la majorité républicaine au Sénat.
A.Goretti--IM