Nancy Pelosi quitte la direction démocrate au Congrès américain
Nancy Pelosi, grande figure de la politique américaine, a annoncé jeudi renoncer à assumer son poste de cheffe démocrate de la Chambre des représentants dans la future assemblée, où les républicains ont obtenu la majorité.
"Je ne vais pas me représenter à la direction démocrate du prochain Congrès", a déclaré la femme de 82 ans lors d'un discours prononcé dans l'hémicycle, disant vouloir laisser place à "une nouvelle génération".
Le président Joe Biden lui a immédiatement rendu hommage, saluant en elle une "fervente défenseure de la démocratie".
Sous les applaudissements, elle a évoqué les souvenirs de ses 35 ans passés à la Chambre, qu'elle a vu évoluer pour être "plus représentative de notre belle nation".
Nancy Pelosi, première femme à occuper le perchoir de la chambre basse, a aussi parlé des moments plus sombres, comme l'assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021.
"En effet, la démocratie américaine est majestueuse, mais elle est fragile", a-t-elle prévenu.
Nancy Pelosi a maintenu jusqu'au bout le suspense sur son retrait, emportant chez elle deux versions différentes de son discours. Elle continuera à siéger à la chambre, comme simple élue de Californie.
- Attaque -
Troisième personnage de l'Etat américain, elle est connue pour son rôle de première opposante à Donald Trump, qu'elle a farouchement combattu lorsqu'il occupait la Maison Blanche.
Tacticienne douée d'un flair politique hors pair, elle a souvent fait la pluie et le beau temps sur la colline du Capitole où elle a été élue "speaker" dès 2007.
Ces derniers mois, c'est son engagement en faveur de Taïwan qui a beaucoup fait parler: sa visite sur l'île revendiquée par les autorités chinoises, cet été, avait provoqué la colère de Pékin.
Fin octobre, son mari Paul a été attaqué en pleine nuit à leur domicile en Californie par un homme armé d'un marteau. Il cherchait en fait Nancy Pelosi, qu'il accusait de mentir et à qui il comptait "briser les rotules".
Le drame a marqué la démocrate, qui s'était dite "traumatisée".
Au début de son discours, elle a d'ailleurs eu un mot pour son mari, "partenaire bien-aimé" et "soutien".
Juste avant les élections du 8 novembre, elle avait confié que l'attaque influencerait sa décision de prendre sa retraite ou pas, si les démocrates perdaient leur majorité à la Chambre des représentants.
C'est ce qui s'est passé mercredi soir, au terme d'une semaine d'un dépouillement à suspense comme le complexe système électoral américain sait le créer.
Au final, les républicains se sont emparés d'une majorité d'au moins 218 sièges qui, bien que très courte, leur donnera un pouvoir de blocage sur la politique de Joe Biden jusqu'en 2024.
- Divisé -
Le Congrès se retrouve donc divisé, les démocrates étant parvenus à conserver le contrôle du Sénat.
Même avec une mince majorité à la Chambre, les républicains disposeront d'un pouvoir conséquent en matière d'inspection, qu'ils ont promis d'utiliser pour une kyrielle d'investigations sur la gestion par Joe Biden de la pandémie ou du retrait d'Afghanistan.
Ils n'ont d'ailleurs pas perdu une seconde pour le mettre en oeuvre.
Jeudi matin, les conservateurs de la chambre basse ont annoncé leur intention d'enquêter sur les risques à "la sécurité nationale" posés par les transactions commerciales de la famille de Joe Biden à l'étranger.
Ce n'est pas une surprise: ils s'étaient engagés à enquêter sur son fils Hunter, accusé d'avoir utilisé son nom pour faire des affaires en Ukraine et en Chine.
Et dans cette nouvelle configuration, le parti du président démocrate ne pourra plus faire voter de grands projets. Mais l'autre camp non plus.
Les républicains avaient menacé de détricoter certaines mesures adoptées sous Joe Biden s'ils reprenaient le contrôle des deux chambres. Ils voulaient notamment revenir sur les fonds alloués aux services des impôts pour engager de nouveaux agents, ou sur certaines réformes dans le monde de l'éducation.
La droite pourrait en outre se montrer plus sourcilleuse quant à l'aide apportée par Washington à l'Ukraine. Elle avait aussi prévu de s'attaquer au droit à l'avortement ou de légiférer sur les armes à feu, ce qui aurait poussé Joe Biden à faire usage de son droit de veto.
Le président de 79 ans ne sera finalement pas contraint de camper sur cette posture défensive. Et devra au contraire user de ses talents de négociateur, hérités de sa longue carrière de sénateur, pour éviter une paralysie du financement de l'administration fédérale.
O.Esposito--IM