Egypte: le détenu Alaa Abdel Fattah "sous traitement médical", ses proches inquiets
L'inquiétude grandit autour du détenu politique égypto-britannique Alaa Abdel Fattah, en danger de mort après sept mois de grève de la faim, l'autorité pénitentiaire affirmant qu'il est désormais "sous traitement médical" et refusant jeudi une visite à son avocat.
Ses proches disent redouter que le blogueur prodémocratie soit nourri de force. Jeudi, quand sa mère Laila Soueif s'est présentée pour la 4e fois de la semaine devant sa prison à 100 kilomètres du Caire, elle a été éconduite par des officiers.
Ils lui ont annoncé que son fils, qui ne boit plus depuis l'ouverture de la COP27 en Egypte dimanche, était "sous traitement médical" et que "le parquet en avait été informé". Mais pas la famille ni ses avocats, accuse la soeur d'Alaa Abdel Fattah, Mona Seif.
Pour Hossam Bahgat, défenseur égyptien des droits humains, "cela veut dire qu'il est nourri de force".
La famille a entrevu un espoir quand le parquet a convoqué le matin Khaled Ali, l'avocat d'Alaa Abdel Fattah, pour lui délivrer un permis de visite daté de mercredi soir.
Mais "pour la deuxième fois, l'autorité pénitentiaire a refusé un permis de visite" estimant qu'il n'était plus valable jeudi, a écrit l'avocat sur Facebook après s'être rendu à la prison.
- "Dégradant" -
"Les autorités qui ont incarcéré Alaa Abdel Fattah pour un simple post Facebook veulent en plus lui imposer un traitement cruel, inhumain et dégradant, en le forçant à subir un traitement médical", a réagi Human Rights Watch.
Amnesty International s'est inquiétée du fait que "les décisions médicales ne soient pas prises par des médecins indépendants non soumis à la coercition de la sécurité".
"Il faut que notre mère puisse le voir, ou un représentant de l'ambassade britannique pour savoir dans quel état il se trouve vraiment", s'est alarmée Mona Seif.
Car faute de nouvelles, la famille est très inquiète: Alaa a-t-il été transféré vers une autre prison, vers l'hôpital de la prison ou n'est-il tout simplement plus en état d'être vu?
Icône de la révolution de 2011 en Egypte qui chassa du pouvoir Hosni Moubarak -un mouvement populaire que le président Abdel Fattah al-Sissi dénonce- Alaa Abdel Fattah, qui fêtera ses 41 ans le 18 novembre, a été arrêté fin 2019. Il a été condamné à cinq ans de prison pour diffusion de "fausses informations" après avoir reposté sur Facebook un texte accusant un officier de torture.
Le 2 avril 2022, il a décidé de ne plus avaler qu'un verre de thé et une cuillère de miel. Il y a un peu plus d'une semaine, il a totalement cessé de se nourrir et, depuis dimanche il ne buvait plus non plus, selon ses proches.
Ses défenseurs ne lui donnaient que quelques jours à vivre, à moins qu'il ne soit nourri de force -ce que le droit international considère comme de la "torture" et même un "crime contre l'Humanité".
Jeudi, des centaines de participants à la COP27 à Charm el-Cheikh habillés de blanc comme les prisonniers égyptiens, ont scandé "Libérez les tous!" en référence aux plus de 60.000 détenus politiques que compte l'Egypte selon des ONG.
Le militant italien Giorgio Caracciolo a été lui "interdit de se rendre à la COP27 alors qu'il avait un visa valide", selon la Fédération internationale pour les droits humains.
- Appel à manifester ? -
La question des prisonniers en Egypte, 135e sur 140 pays au classement mondial de l'Etat de droit du World Justice Project, est désormais incontournable à la COP27.
Plusieurs dirigeants occidentaux ont réclamé la libération d'Alaa Abdel Fattah. Vendredi, le président américain Joe Biden sera à la COP27 et compte évoquer les droits humains.
Face à la mobilisation internationale, la contre-campagne s'organise.
Un député a pris à partie Sanaa Seif, l'autre soeur d'Alaa Abdel Fattah, à la COP27 avant d'être expulsé par la sécurité de l'ONU. Un avocat a porté plainte contre elle pour "conspiration avec l'étranger" et "fausses informations".
La représentation égyptienne à Genève a protesté auprès de l'ONU qui a dénoncé "procès inéquitables" et "arrestations arbitraires" en Egypte.
L'Egypte est par ailleurs plongée dans une grave crise économique. L'inflation dépasse les 16% et la livre a perdu la moitié de sa valeur cette année.
De quoi alimenter la grogne sociale qui pourrait transformer en réalité une mystérieuse menace venue des réseaux sociaux: le mot-clé "Manifeste_le_11/11.
Personne n'a revendiqué cet appel mais le déploiement policier a été renforcé et au moins 151 personnes ont été arrêtées ces dernières semaines selon Amnesty.
T.Zangari--IM