Wall Street voit d'un bon œil une possible victoire des républicains aux législatives américaines
Les marchés voient favorablement la possible victoire des républicains le 8 novembre aux élections législatives américaines et le scénario d'un blocage politique, même si certains s'inquiètent d'une éventuelle crise autour du sujet de la dette.
Aux prises depuis des mois avec une hausse brutale des taux d'intérêt et la perspective d'un ralentissement économique, voire d'une récession, la place new-yorkaise "a déjà beaucoup de sujets de préoccupation" et s'intéresse globalement peu à ce scrutin qui déchaîne pourtant les passions aux Etats-Unis, selon Patrick O'Hare, de Briefing.com.
"Le marché y pense, mais il se préoccupe davantage de la Réserve fédérale et des turbulences au Royaume-Uni", renchérit David Kotok, de Cumberland Advisors, à propos d'une échéance électorale qui va cristalliser, pour de nombreux électeurs américains, un choix de société.
Selon Sam Stovall, de CFRA, l'indice le plus représentatif des actions américaines, le S&P 500, est systématiquement monté lors de l'année qui a suivi les 19 élections de mi-mandat présidentiel organisées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mais les 12 prochains mois pourraient créer un précédent, car les analystes voient majoritairement la Bourse de New York aller plus bas avant de rebondir une fois l'économie entrée en récession, en 2023.
Depuis plusieurs jours, tous les sondages donnent les républicains en tête.
La reconquête d'au moins une des deux chambres du Congrès par l'opposition entraînerait une cohabitation et "un blocage à Washington, ce qui tend à ne pas être mauvais pour les marchés, parce que cela signifie le statu quo" politique, explique Carl Riccadonna, économiste de BNP Paribas. "Il n'y aurait plus d'initiatives majeures."
"On a dépensé beaucoup d'argent durant cette pandémie", rappelle Patrick O'Hare, pour qui les opérateurs ne seraient pas contre une réduction de la voilure budgétaire.
En trois ans, la dette des Etats-Unis a gonflé de 36%, soit plus de 8.000 milliards de dollars, sous l'effet d'une série de plans de soutien à l'économie initiés sous Donald Trump, puis poursuivis sous Joe Biden, pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19.
"On voit des tensions entre la politique monétaire et la politique budgétaire dans de nombreux pays", souligne Jack Ablin, de Cresset Capital, en référence notamment au couac historique qui a valu au Royaume-Uni une crise politique majeure.
Plusieurs gouvernements prennent ainsi sur eux de préserver le pouvoir d'achat des ménages en assumant une partie de la hausse du coût de l'énergie, à contre-courant de leurs banques centrales qui cherchent à juguler l'inflation en resserrant le crédit.
Une cohabitation hostile "voudrait dire que la politique budgétaire serait neutralisée", selon Jack Ablin.
- Le retour de la dette -
Mais les républicains espèrent, eux, mieux qu'une paralysie. Le chef des républicains à la chambre des Représentants, Kevin McCarthy, a déjà prévenu que son parti réclamerait des coupes budgétaires, s'il reprend la main au Congrès.
L'élu californien a même menacé de se servir du plafond de la dette comme d'une arme pour obtenir des concessions du président Joe Biden, qui doit systématiquement en passer par le Congrès pour permettre au gouvernement de faire face à ses engagements financiers.
"Les démocrates ne pourraient pas relever le plafond seuls et les Etats-Unis feraient défaut" sur leur dette, prévient Ian Shepherdson, de Pantheon Macroeconomics.
"Le marché ne prend pas en compte ce risque", alerte David Kotok. Or, "quand vous élisez à la Chambre des représentants des cinglés, vous ouvrez la porte à des problèmes", dit-il, mentionnant notamment l'élue d'extrême-droite Marjorie Taylor Greene.
Sam Stovall tempère: "cela dépend comment ils procèdent, mais réduire la dette dans un environnement de taux qui montent, c'est vu plutôt favorablement".
Et pour Maris Ogg, de Tower Bridge Advisors, "le seul cas dans lequel les politiques pèsent sur le marché, c'est lorsqu'ils font quelque chose qui a un impact sur les résultats des sociétés, les taux d'intérêt, ou le dollar". "Mais la plupart du temps, ce n'est que du bruit et de la fureur, cela n'a aucun poids."
Le dollar serait "dangereusement fragilisé par des manœuvres sur le plafond de la dette", avertit néanmoins David Kotok, sans compter que les taux d'intérêt pourraient grimper encore davantage avec le risque d'un défaut des Etats-Unis.
L.Sabbadin--IM