Présidentielle au Brésil: un "anti-débat" à couteaux tirés à J-2 du 2e tour
"Roi des mensonges", "bandit, "déséquilibré"... Lula et Jair Bolsonaro se sont rendus coup pour coup vendredi, lors d'un débat télévisé électrique, à deux jours du second tour de la présidentielle brésilienne.
Lors de ce débat de plus de plus de deux heures sur TV Globo, la chaîne la plus regardée du pays, les deux candidats se sont accusés sans arrêt de mentir, au détriment des expositions de projets concrets pour les quatre années de mandat en jeu au scrutin de dimanche.
"Lula, arrête de mentir, rentre chez toi!", a lancé le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, 67 ans, qui été jusqu'à déclarer que son adversaire devrait "se faire exorciser pour arrêter de mentir".
L'ancien chef de l'Etat de gauche, qui a fêté ses 77 ans jeudi, n'était pas en reste: "ce type est le plus grand menteur de l'histoire du Brésil", a-t-il rétorqué, traitant par la suite son adversaire de "déséquilibré".
Les problèmes d'érection se sont même invités dans le débat. "Tu prends du Viagra?", a demandé Bolsonaro à Lula, qui lui avait demandé des comptes sur l'achat controversé de 35.000 pilules ce de médicament pour l'armée.
Le débat de vendredi a eu lieu lors de la dernière ligne droite d'une campagne souvent ordurière, pleine de coups bas et de désinformation massive sur les réseaux sociaux.
"C'était un anti-débat, sans la moindre nouveauté qui puisse changer la donne", a estimé le chroniqueur politique Otavio Guedes sur la chaîne Globonews, à l'issue de cet ultime débat télévisé avant le second tour dimanche.
Lula a légèrement augmenté (de quatre à six points) son avance dans le dernier sondage de l'institut de référence Datafolha, publié jeudi, avec 53% des intentions de vote exprimées, contre 47% pour le président d'extrême droite.
- "Reste ici!"
Au-delà de la joute verbale, le duel était également physique. Chaque candidat tentait d'occuper au mieux le terrain dans le studio transformé en arène pour un combat sans merci.
"Reste ici, Lula!", a dit le président sortant, tandis que son adversaire lui tournait le dos.
"Non, je ne veux pas rester près de toi!", a répondu l'ancien métallo, qui s'est souvent approché tout près des caméras pour s'adresser aux téléspectateurs les yeux dans les yeux.
Le débat a été interrompu à plusieurs reprises par des cris des équipes de campagne pour tenter de déstabiliser les candidats.
Lula a attaqué son adversaire sur sa politique internationale, un sujet qui n'avait pratiquement pas été abordé lors des débats télévisés précédents.
"Sous ton gouvernement, le Brésil est devenu un paria. Personne ne veut te recevoir et personne ne vient ici", a-t-il lancé.
L'ancien chef de l'Etat (2003-2010) a rappelé qu'il avait été reçu avec tous les honneurs au palais de l'Elysée par le président français Emmanuel Macron en novembre 2021.
"Il se prend pour le petit père des pauvres", a ironisé pour sa part Jair Bolsonaro, avant de traiter de "bandit" son adversaire qui a été incarcéré 18 mois pour corruption en 2018 et 2019, avant de voir ses condamnations annulées par la Cour suprême.
Au premier tour, le 2 octobre, Lula est arrivé en tête avec 48% des voix, contre 43% pour Jair Bolsonaro.
Mais le score du président d'extrême droite s'est révélé bien plus élevé que ce que prédisaient les sondages, lui donnant un certain élan pour la campagne de l'entre deux tours.
- Deux couacs majeurs -
Cet élan a toutefois été freiné par deux couacs majeurs: des déclarations malvenues du ministre de l'Economie Paulo Guedes, indiquant que l'augmentation du salaire minimum pourrait ne plus être indexée sur l'inflation, et l'interpellation rocambolesque d'un ex-député bolsonariste ayant blessé des policiers à la grenade.
Se sentant acculé, le président Bolsonaro, qui avait mis en sourdine ses critiques sur le système d'urnes électroniques, a trouvé un nouveau cheval de bataille cette semaine: la dénonciation d'irrégularités présumées dans la diffusion de propagande électorale à la radio.
Le Tribunal supérieur électoral (TSE) a rejeté la requête de l'équipe de campagne du chef de l'Etat, arguant qu'aucune preuve n'avait été présentée, ce qui pourrait constituer un "délit électoral" et une tentative de "déstabilisation du second tour".
Selon les experts, M. Bolsonaro prépare le terrain pour contester le résultat en cas de défaite, alimentant les craintes d'incidents violents, à l'image de l'invasion du Capitole à Washington après la défaite de Donald Trump à la présidentielle américaine, en janvier 2021.
H.Giordano--IM