L'UE prête à "coopérer" avec le gouvernement d'extrême droite de Meloni
L'Union européenne, très circonspecte dans un premier temps face à l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite en Italie, s'est dit prête à "coopérer" avec le gouvernement eurosceptique de Giorgia Meloni, qui a prêté serment samedi et doit prendre ses fonctions dimanche.
"Félicitations à Giorgia Meloni pour sa nomination comme Première ministre, la première femme à obtenir ce poste", a tweeté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. "Je compte sur une coopération constructive avec le nouveau gouvernement, face aux défis que nous devons relever ensemble".
"Travaillons ensemble pour le bien de l'Italie et de l'UE", a pour sa part écrit le président du Conseil européen Charles Michel. "L'Europe a besoin de l'Italie. Ensemble, nous surmonterons toutes les difficultés", a renchéri la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, dans un tweet écrit en italien.
Ces réactions en choeur des trois principales institutions européennes contrastaient avec le silence des grandes capitales Berlin, Paris et Madrid.
Le très conservateur Premier ministre hongrois Viktor Orban, bête noire de Bruxelles, a été l'un des seuls dirigeants européens à féliciter Mme Meloni, saluant "un grand jour pour la droite européenne".
L'extrême droite européenne était aussi à la fête: "Partout en Europe, les patriotes arrivent au pouvoir et avec eux, cette Europe des nations que nous appelons de nos vœux", s'est réjouie en France Marine Le Pen.
- "Au travail" -
Sous les ors du palais romain du Quirinal, Mme Meloni et ses 24 ministres - dont seulement 6 femmes - ont "juré de respecter la Constitution et les lois" devant le président Sergio Mattarella.
"Voici l'équipe gouvernementale qui, avec fierté et sens des responsabilités, servira l'Italie. Maintenant, au travail", a ensuite affirmé Mme Meloni dans un tweet accompagné de la photo officielle du gouvernement. Etaient également présents à la cérémonie les proches de Mme Meloni, notamment son compagnon de 41 ans, le journaliste Andrea Giambruno, et leur fille de six ans Ginevra.
La passation de pouvoir entre Mario Draghi et Giorgia Meloni se tiendra dimanche à 08H30 GMT au palais Chigi, siège du gouvernement, et sera suivie du premier conseil des ministres.
Elle dispose avec ses partenaires de coalition, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants Matteo Salvini et le chef déclinant de Forza Italia Silvio Berlusconi, de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu'au Sénat.
- Berlusconi et Poutine -
La composition du nouveau gouvernement reflète le désir de rassurer les partenaires de Rome, inquiets face à l'arrivée au pouvoir en Italie, pays fondateur de l'Europe, du chef de gouvernement le plus à droite et le plus eurosceptique depuis 1946.
Avant les élections, Mme von der Leyen avait d'ailleurs suscité un tollé en Italie en évoquant "les instruments" à la disposition de Bruxelles pour sanctionner d'éventuelles atteintes aux principes démocratiques de l'UE en cas de victoire de l'extrême droite.
La nomination aux Affaires étrangères, avec le titre de vice-Premier ministre, de l'ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, et celle de Giancarlo Giorgetti, un représentant de l'aile modérée de la Ligue, déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, à l'Economie, devraient rassurer Bruxelles.
Au moment où la troisième économie de la zone euro affronte, comme ses voisins, une situation économique difficile due à la crise énergétique et à l'inflation, la tâche de Mme Meloni s'annonce ardue, d'autant qu'elle devra veiller à l'unité de sa coalition qui montre déjà des fissures.
MM. Salvini et Berlusconi renâclent à accepter l'autorité de Giorgia Meloni, dont le parti a remporté 26% des voix aux élections, contre seulement 8% pour Forza Italia et 9% pour la Ligue.
Les médias se sont fait l'écho des multiples passes d'armes entre les trois dirigeants sur la répartition des postes au Parlement et au sein du gouvernement.
- Défis économiques -
Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l'Ukraine face à la Russie, Mme Meloni a dû affronter cette semaine les propos polémiques de M. Berlusconi, qui a affirmé avoir "renoué" avec Vladimir Poutine et imputé à Kiev la responsabilité de la guerre.
Des déclarations du plus mauvais effet qui ont obligé Mme Meloni à rectifier le tir mercredi en affirmant que l'Italie fait "pleinement partie et la tête haute" de l'Europe et de l'Otan.
Oratrice de talent, cette chrétienne conservatrice hostile aux droits LGBT a cependant promis de ne pas toucher à la loi autorisant l'avortement.
Son gouvernement devra avant tout se concentrer sur les nombreux défis, essentiellement économiques, qui l'attendent, à commencer par l'inflation et une dette colossale représentant 150% du produit intérieur brut (PIB), le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce.
B.Agosti--IM