Royaume-Uni: un retour de Boris Johnson ? Vraiment ?
Certains l'adorent, d'autres sont prêts à démissionner s'il revient à Downing Street. Dans un nouveau coup de théâtre, Boris Johnson cherche vendredi à obtenir les parrainages nécessaires pour tenter de redevenir Premier ministre britannique.
En vacances aux Caraïbes, il n'est pas encore candidat, pas plus que Rishi Sunak, l'ancien ministre des Finances avec lequel il est à couteaux tirés. Mais les deux hommes semblent les mieux placés dans cette élection accélérée, interne au parti conservateur, qui doit accoucher d'un nouveau Premier ministre en une semaine maximum, après la démission de Liz Truss, dirigeante éphémère pendant 44 jours.
Alors que le pays aspire à la stabilité après plusieurs mois d'un très mauvais feuilleton politique mettant en scène dissensions, trahisons et incompétence, Boris Johnson, 58 ans, l'ancien héros charismatique du Brexit qui avait démissionné il y a trois mois et demi, désavoué après une série de scandales, préparerait son retour.
"Boris Johnson dit aux conservateurs: je peux sauver le parti de l'anéantissement politique", a titré sur toute sa Une le quotidien conservateur The Daily Telegraph. "Boris contre Rishi, le combat pour l'âme des Tories", titre le Daily Mail, très pro-Johnson.
Un décompte officieux réalisé par le site Guido à la mi-journée comptait 58 députés pour Rishi Sunak, 54 pour Boris Johnson et 20 pour Penny Mordaunt, ministre des relations avec le Parlement. Il faut 100 parrainages d'ici lundi 14h00 pour pouvoir être candidat, sur 357 députés conservateurs.
- Week-end sanglant -
Les tractations en coulisses vont bon train. Boris Johnson s'apprêterait à rentrer à Londres et le week-end promet d'être sanglant. Car "Boris", les Britanniques généralement n'utilisent que son prénom tant il leur est familier, divise profondément.
Pour ses partisans, il est le seul à être légitime, ayant offert une majorité historique aux conservateurs lors des législatives de 2019. Formidable orateur, il a aussi gardé son aura auprès de milliers de membres du parti, qui pourraient avoir à se prononcer la semaine prochaine.
"Boris ou la faillite" a déclaré vendredi le secrétaire d’État à l'énergie Jacob Rees-Mogg. Le ministre de la Défense Ben Wallace, très populaire au sein de la base, a aussi dit "pencher" vers Boris, dans ce drame aux accents de plus en plus shakespeariens.
Mais de nombreux députés conservateurs ont en mémoire les fêtes arrosées à Downing Street durant les confinements anti-Covid, ses mensonges à répétition et son manque de discipline qui avaient sapé la confiance, conduisant à des dizaines de démissions au sein du gouvernement et à la sienne le 7 juillet.
"Il fait actuellement l'objet d'une enquête d'une commission parlementaire (...), il est presque 100 % certain que la commission des privilèges conviendra qu'il a trompé le Parlement", a rappelé le député conservateur Richard Graham sur Times Radio.
Ce retour renverrait son parti "directement dans le pétrin dans lequel nous étions lorsqu'il était au pouvoir", a commenté un autre élu.
"Gagner le soutien des députés est très loin d'être acquis, mais s'il y arrive, il sera presque très certainement Premier ministre", selon The Times.
La base du parti est restée largement fidèle à Boris Johnson. Selon un sondage YouGov, 42% des membres du parti pensent qu'il peut être "un très bon" remplaçant de Liz Truss, et 21% un "assez bon" remplaçant. Rishi Sunak, qui avait perdu contre Liz Truss cet été, parfois considéré comme le traître ayant conduit au départ de Boris Johnson, est à 29% et 31%, Penny Mordaunt est à 20% et 34%.
Dans un contexte de crise économique et sociale, l'opposition travailliste, largement en tête dans les sondages, demande des élections législatives anticipées. Le parti centriste des libéraux-démocrates ("lib-dems") veut bloquer la candidature de Boris Johnson, soulignant qu'il avait été reconnu coupable d'avoir enfreint la loi durant le "partygate".
"Boris Johnson est le Berlusconi anglais", a dénoncé Daisy Cooper, chef adjointe des "lib-dems".
"Hasta la vista" avait conclu Boris Johnson en juillet, lors de sa dernière séance de questions au Parlement. "Mission largement accomplie, pour le moment", avait-il ajouté.
Il rêve probablement de marcher dans les traces de son héros Winston Churchill, revenu au pouvoir en 1939. Mais Churchill avait attendu 10 ans, pas six semaines.
V.Barbieri--IM