Bloquée en Russie, la radio "Echo de Moscou" renaît depuis Berlin
Bloquée en Russie depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, la radio "Echo de Moscou" a repris ses émissions depuis Berlin pour combattre la "propagande" du régime de Vladimir Poutine.
L'emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) avait annoncé début mars, comme d'autres médias indépendants russes, sa dissolution face au tour de vis intérieur qui a accompagné l'offensive russe en Ukraine.
Certains de ses membres sont depuis parvenus à gagner d'autres pays, comme la Lituanie, la Lettonie, la Géorgie ou encore l'Allemagne.
C'est notamment le cas du rédacteur en chef adjoint, Maxim Kournikov, 38 ans, qui a gagné Berlin et est parvenu à produire un flux audio accessible sur une application.
- Succès des téléchargements -
"Ca fonctionne comme une radio", explique-t-il à l'AFP à propos de ce nouveau média, simplement baptisé "Echo" et dont les émissions ont démarré lundi.
Le succès a été immédiat, selon son concepteur, qui assure faire partie des applications parmi les plus téléchargées en Russie. Les autorités de Moscou ont bien tenté de la bloquer au bout de quelques jours mais sans succès.
Environ 125 personnes travaillaient jusqu'à début 2022 en Russie pour "Echo Moskvy". Parmi ceux qui sont parvenus à quitter le pays, nombre de journalistes ont alors tenté de poursuivre leur travail via Youtube.
"Nous avons réuni toutes les chaînes Youtube de notre équipe et en avons fait un flux audio", explique M. Kournikov. L'équipe parvient ainsi à proposer des émissions en direct pendant dix à douze heures par jour. Des rediffusions complètent la grille le reste du temps.
Un site internet et deux canaux Telegram font également partie du nouveau projet, accessible en Russie via l'application et sans même à avoir à modifier le VPN pour contourner le blocage des sites.
"Nous voulons proposer à nos lecteurs et auditeurs une photographie complète de ce qui se passe en Russie", explique M. Kournikov.
Au total, 20 journalistes participent actuellement au projet, qui pourrait encore être rejoint prochainement par une dizaine d'autres personnes, selon M. Kournikov. La moitié de l'équipe devrait travailler depuis la capitale allemande dans des bureaux et même un studio, financés par des dons.
L'écrivain allemand d'origine russe Vladimir Kaminer, auditeur fidèle de la radio, a apporté une aide active au nouveau projet. Lorsqu'il a appris que M. Kournikov se trouvait en Allemagne, il l'a fait venir à Berlin.
"J'ai pensé que ce serait formidable que quelqu'un s'adresse aux Russes depuis l'Europe", explique l'écrivain de 55 ans, dénonçant "l’innommable propagande d'Etat" qui a accompagné l'invasion de l'Ukraine.
- La menace de la mobilisation -
Le début de l'offensive russe et la répression pénale de toute critique visant l'armée ou la politique de M. Poutine a conduit de nombreux médias à la suspension et l'exil.
La chaîne de télévision indépendante Dojd a ainsi interrompu son activité après le blocage de son site. Le site d'information Znak a suivi cet exemple.
Le site The Village, qui était une référence sur l'agenda culturel à Moscou, a de son côté pris la décision de délocaliser son activité à Varsovie, en Pologne. Novaïa Gazata, dont le rédacteur en chef a reçu le prix Nobel de la Paix en 2021, propose lui une nouvelle édition depuis Riga.
Mais tous les journalistes n'ont pas quitté la Russie. Le rédacteur en chef d'Echo de Moscou, Alexeï Venediktov, est par exemple resté en Russie d'où il gère une chaîne Youtube qui fait également partie du nouveau projet.
"Le fait que nous ayons encore des voix en Russie est le plus important pour nous", souligne M. Kournikov.
Celui-ci est cependant forcé de rester pour le moment à Berlin d'où il anime aussi un format pour la chaîne de télévision du quotidien populaire Bild, diffusé sur des canaux Youtube et Telegram en langue russe.
En Russie, le journaliste a en effet dénoncé l'offensive, ce qui est devenu un délit passible de prison. M. Kournikov est de surcroît officier de réserve et serait donc très probablement mobilisé pour participer à une guerre contre laquelle il se bat.
Z.Bianchi--IM