Iran: appels à de nouvelles manifestations contre le pouvoir
Des militants ont appelé à de nouvelles manifestations samedi à travers l'Iran contre le pouvoir, un mois après le début du mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini et réprimé dans le sang.
Les protestations ont été déclenchées après la mort le 16 septembre de cette Kurde iranienne de 22 ans, décédée trois jours après son arrestation par la police des moeurs à Téhéran pour avoir, selon celle-ci, enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes prévoyant notamment le port du voile.
La contestation a suscité des rassemblements de solidarité à l'étranger et la répression qui a fait plus de 100 morts selon des ONG a été condamnée par la communauté internationale.
Les autorités iraniennes affirment que la jeune femme est décédée des suites d'une maladie et non de "coups", d'après un rapport médical rejeté par son père. Son cousin a affirmé qu'elle était décédée après "un violent coup à la tête".
Avant les manifestations, le site NetBlocks a signalé samedi une "nouvelle perturbation majeure du trafic Internet en #Iran" à partir de 06H30 GMT.
Mais malgré ces perturbations et le blocage par les autorités de l'accès aux applications Instagram et WhatsApp, des militants ont lancé un appel en ligne à manifester sous le slogan "Le début de la fin!" du pouvoir.
Ils ont encouragé les jeunes et la population iranienne à manifester dans des endroits où les forces de sécurité ne sont pas présentes et à scander "Mort au dictateur", en référence au guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.
- "Qui aurait cru" -
Face aux appels à manifester contre le pouvoir, le Conseil islamique de coordination du développement, un organisme officiel, a appelé les Iraniens à dire, après la prière du soir, "à l'intérieur des mosquées leur colère contre les émeutiers et la sédition, afin de contrer les complots des ennemis de l'Iran".
Depuis le 16 septembre, des jeunes femmes, étudiantes et écolières, sont le fer de lance des manifestations: elles scandent des slogans antigouvernementaux, enlèvent leur foulard et affrontent les forces de sécurité.
Au moins 108 personnes ont été tuées dans la répression, selon l'association Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo. Amnesty International a affirmé qu'au moins 23 enfants âgés entre 11 et 17 ans avaient été "tués par les forces de sécurité". Et des centaines de personnes ont été arrêtées.
Dénonçant la politique de deux poids deux mesures, le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian a affirmé vendredi: "Qui aurait cru que la mort d'une seule fille serait aussi importante pour les Occidentaux? Qu'ont-ils fait concernant les centaines de milliers de martyrs et de morts en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au Liban".
Les Occidentaux continuent d'apporter leur soutien aux manifestants.
Vendredi, le président américain Joe Biden, dont le pays est ennemi juré de l'Iran, a affirmé se tenir "aux côtés des citoyens, des courageuses femmes d'Iran", appelant le pouvoir à "mettre fin à la violence contre ses propres citoyens".
Les dirigeants iraniens accusent les Etats-Unis de déstabiliser leur pays en fomentant des "émeutes" et rejettent comme une ingérence dans leurs affaires les condamnations de la répression.
- "Grand moment dans l'histoire" -
Alors que l'Union européenne s'apprête à imposer lundi des sanctions à l'Iran, le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian a, lors d'une conversation téléphonique vendredi, appelé le diplomate en chef de l'UE Josep Borrell à adopter une "approche réaliste".
M. Borrell a lui dit sur Twitter que "la répression violente doit cesser immédiatement. Les manifestants doivent être libérés"
Après une vaste campagne d'arrestations contre des artistes, des dissidents, des journalistes et des sportifs, le réalisateur de cinéma iranien Mani Haghighi a affirmé que son pays lui avait interdit de se rendre au Royaume-Uni pour le Festival du film de Londres en raison de son soutien aux manifestations.
Dans un message vidéo diffusé vendredi sur Twitter, il a qualifié les manifestations de "grand moment dans l'histoire".
Ailleurs en Iran, à Zahedan, la capitale de la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), les forces de sécurité ont tué au moins 93 personnes dans des violences fin septembre et début octobre lors de manifestations contre le viol présumé d'une jeune fille par un policier, selon l'IHR.
Les manifestations en Iran sont les plus importantes depuis celles de 2019 contre la hausse du prix de l'essence dans ce pays riche en pétrole.
L.Marino--IM