Irak: des tirs de roquettes font 10 blessés, le Parlement vote pour élire un président
Des tirs de roquettes ont visé jeudi la Zone verte de Bagdad, faisant dix blessés, au moment où le Parlement se réunissait pour élire un nouveau président de la République et sortir le pays d'une profonde impasse politique accompagnée de violences.
Avec 277 députés sur 329 dans l'hémicycle, le quorum a été atteint et un premier vote a pu avoir lieu, donnant une longueur d'avance à l'ancien ministre de 78 ans Abdel Latif Rachid -- selon le décompte des voix. Mais aucun candidat n'ayant obtenu les 220 votes nécessaires pour être élu au premier tour, un second tour sera organisé entre les deux candidats arrivés en tête, a rapporté un correspondant de l'AFP au Parlement.
Illustrant les tensions dans un pays profondément polarisé, neuf roquettes de type katioucha se sont abattues sur la Zone verte, abritant le Parlement et autres institutions gouvernementales et ambassades, selon un communiqué des forces de sécurité.
Un projectile est tombé près de l'Assemblée et un correspondant de l'AFP au Parlement a entendu plusieurs explosions. Ces tirs n'ont pas été revendiqués.
Dix personnes ont été blessées, dont six membres des forces de l'ordre ou des gardes assurant la sécurité des députés, selon un responsable de sécurité. Quatre civils ont été blessés par une roquette tombée sur un quartier limitrophe de la Zone verte.
"De telles attaques sapent la démocratie et piègent l'Irak dans un cycle de violence perpétuel", a déploré l'ambassadrice américaine à Bagdad Alina L. Romanowski.
Depuis les législatives du 10 octobre 2021, les barons de la politique n'ont pas réussi à s'entendre sur un nouveau président, ni à désigner un Premier ministre.
La mission de l'ONU en Irak avait déploré lundi que "la crise prolongée engendre plus d'instabilité", estimant que les dissensions nourrissaient la "désillusion publique".
En filigrane transparaissent les luttes d'influences entre les deux pôles chiites dominant le pouvoir: d'un côté les factions pro-Iran du Cadre de coordination, de l'autre l'imprévisible chef religieux Moqtada Sadr.
À trois reprises cette année, le Parlement a tenté sans succès d'élire un président, fonction honorifique traditionnellement réservée à l'importante minorité kurde.
Le poste revient généralement à l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), tandis que le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) garde la haute main sur les affaires du Kurdistan autonome. Mais le PDK exigeait la présidence à Bagdad.
- "Tout peut changer" -
Le président sortant Barham Saleh, représentant officiel de l'UPK, est candidat à sa succession.
Mais un autre candidat a refait surface à la dernière minute, pendant que les deux partis kurdes n'arrivaient pas à s'accorder : l'ancien ministre Abdel Latif Rachid -- leader historique de l'UPK -- qui s'est présenté de son propre chef, à 78 ans.
Le PDK (31 députés) a, lui, retiré son candidat Rebar Ahmed, et votera pour Abdel Latif Rachid, a indiqué à l'AFP un haut responsable du parti Bangen Rekani.
Une fois élu, le président pourra désigner un Premier ministre -- choisi par la plus grande coalition parlementaire -- qui entamera des tractations ardues pour former un gouvernement.
Pour le poste de Premier ministre, "le favori est Mohamed Chia al-Soudani", indique le politologue Hamzeh Hadad, en référence à l'ancien ministre de 52 ans, candidat du Cadre de coordination.
"Mais en politique irakienne tout peut changer jusqu'à la dernière minute".
En Irak, depuis l'invasion américaine qui renversa en 2003 Saddam Hussein, la communauté chiite, majoritaire, domine le pouvoir et ses partis donnent le la à la vie politique.
- "Amère désillusion publique" -
Cet été, la candidature de Mohamed Chia al-Soudani avait mis le feu aux poudres et provoqué des tensions entre le Cadre de coordination et le Courant sadriste -- les partisans de Sadr campant aux abords du Parlement pendant un mois.
Mais le Cadre de coordination, qui regroupe notamment les ex-paramilitaires du Hachd al-Chaabi et l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki, rival historique de M. Sadr, n'a jamais fait marche arrière.
Cette coalition veut former un gouvernement. Elle représente aujourd'hui la première force au sein du Parlement, après le retrait inattendu des 73 députés du Courant sadriste.
Habitué aux coups d'éclats, Moqtada Sadr exige d'abord une dissolution du Parlement et des législatives anticipées.
Reste à savoir quelle sera désormais sa réaction.
Il a démontré ces dernières semaines sa capacité à déstabiliser l'échiquier politique en mobilisant des dizaines de milliers de manifestants dans les rues.
L'épreuve de force a atteint son paroxysme le 29 août, quand plus de 30 partisans sadristes ont été tués dans des affrontements contre l'armée et les forces du Hachd al-Chaabi, intégrées aux troupes régulières.
L.Marino--IM