Carburants: le gouvernement réquisitionne un autre dépôt, fin de la grève dans une raffinerie
Le gouvernement a lancé jeudi la réquisition d'un dépôt pétrolier supplémentaire, près de Dunkerque, dans l'espoir de réamorcer les pompes des stations-service françaises asséchées par un conflit sur les salaires qui dure depuis 17 jours chez TotalEnergies, mais qui a connu une accalmie chez Esso-ExxonMobil.
A la mi-journée, les grévistes de l'une des deux raffineries d'Esso-ExxonMobil, à Fos-sur-Mer, qui n'avaient pas été visés par des réquisitions, ont en effet voté pour la levée de la grève, ont confirmé la CGT et la direction à l'AFP.
Cette nouvelle réquisition de personnel gréviste fait suite à une première visant le dépôt d'Esso-ExxonMobil en Normandie mercredi. Le gouvernement compte ainsi alimenter les pompes en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France, l'une des régions les plus touchées par l'impact de la grève des salariés de TotalEnergies, démarrée le 27 septembre.
Côté consommateurs, les pénuries de carburant se sont installées dans plusieurs régions, mettant les nerfs des automobilistes à vif. Partout les automobilistes racontent leur "galère", pire quand le véhicule est un outil de travail.
"J'ai des contrats où je dois sortir les poubelles, où je dois honorer des services de prestations de ménage. Et quand on n'a pas d'essence et qu'on a une très grosse tournée, c'est un peu compliqué", raconte dans une station BP à Paris Elisabeth Mailhes, auto-entrepreneuse dans le nettoyage, qui n'est pas payée si elle n'honore pas ses contrats.
"C'est une catastrophe", répète Enzo Rougès, chef d'entreprise dans l'automobile. "J'ai le problème de ne pas pouvoir ouvrir mon magasin tant que je ne suis pas au boulot. J'ai les salariés à la porte, j'ai tout le monde qui m'attend."
Sur le terrain, les réquisitions ont été très mal reçues par les grévistes qui réclament des hausses de salaires. "On assiste à la dictature macronienne", a réagi auprès de l'AFP Benjamin Tange, délégué syndicat central de la CGT du raffinage. "Ce qui se passe, c'est la colère de plusieurs mois, plusieurs années et d'une rupture du dialogue social".
La CGT, à la manoeuvre depuis le début du conflit, demande 10% d'augmentation salariale, pour compenser l'inflation annuelle prévue entre 6 et 7%, et faire profiter les salariés des énormes bénéfices engrangés par le groupe pétrolier.
TotalEnergies a pourtant lâché du lest jeudi matin sur les salaires. Il a annoncé par communiqué un bonus équivalent à un mois de salaire pour ses salariés du monde entier, doublé d'une proposition d'augmentation de 6% en 2023 pour les salariés français.
- "Mépriser" -
"On ne négocie pas dans les médias", a réagi le coordinateur CGT pour le groupe, Eric Sellini. "La direction continue de mépriser les organisations et les grévistes", a-t-il ajouté auprès de l'AFP. Le syndicat réclame l'ouverture de négociations formelles sur les salaires entre la direction et les quatre syndicats représentatifs.
Les grèves touchaient jeudi cinq raffineries sur sept (quatre chez TotalEnergies et une chez Esso-ExxonMobil), et selon le ministère de la Transition énergétique sept gros dépôts de carburant sur environ 200.
De son côté, la fédération CGT de l'énergie a cherché à faire tache d'huile et appelé à "l'élargissement de la grève dans toutes entreprises de l'énergie". Plusieurs centrales nucléaires ont été touchées mercredi par des mouvements de grève portant sur des revendications salariales.
- "Main tendue" -
Devant les menaces d'élargissement du conflit, jeudi matin, le gouvernement a fait pression sur TotalEnergies pour qu'il "augmente ses salaires".
La CGT doit "se saisir de la main qui a été tendue" pour négocier, a affirmé jeudi sur RTL le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, ajoutant que le groupe avait "la capacité" et "donc le devoir" de le faire.
Le patronat s'est inquiété cette semaine des conséquences de cette grève sur la vie économique du pays. D'autant qu'elle s'ajoute à l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz qui fait courir "un risque majeur" à l'industrie française, a estimé Bruno Le Maire, selon lequel la production industrielle française devrait baisser de 10% au 4e trimestre 2022 par rapport au 4e trimestre 2021.
L.Amato--IM