TotalEnergies: la CGT fait un pas pour négocier, tensions constantes à la pompe
La CGT de chez TotalEnergies a proposé samedi de limiter ses revendications à la question des hausses de salaires pour entamer dès lundi des négociations en plein mouvement de grève dans des raffineries et des dépôts, à l'origine de ruptures d'approvisionnements toujours importantes dans les stations-service.
Après une dizaine de jours de grèves qui ont mis à l'arrêt la principale raffinerie du groupe français et deux autres du groupe Esso-ExxonMobil, la CGT a proposé de renoncer à ses revendications sur les embauches et les investissements en France pour ouvrir les négociations.
"Nous nous tenons prêts pour les entamer dès lundi sur la base de notre revendication salariale seule", a écrit samedi Éric Sellini, coordinateur CGT chez TotalEnergies, dans une lettre ouverte adressé au PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné et diffusée sur twitter.
Ce dernier ne s'est pas exprimé publiquement à ce jour sur le mouvement, mais dans une vidéo interne au groupe mardi, il avait reconnu que "les résultats de la compagnie sont exceptionnels en 2022" -- 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre -- et déclaré "nous ne vous oublierons pas".
Ces derniers jours, la pression de l'exécutif sur le groupe s'est intensifiée. Depuis Prague vendredi, le président Emmanuel Macron a appelé groupes pétroliers et syndicats à la "responsabilité", relayé par les déclarations de plusieurs ministres poussant vers des hausses de salaires.
"Il n'y a pas de problème d'approvisionnement général de notre pays, c'est important de le redire", a commenté à son tour samedi le ministre des transports Clément Beaune. "Il y a des phénomènes localisés, liés à des mouvements sociaux: on appelle chacun à la responsabilité, les entreprises et les organisations syndicales comme l'a dit hier la Première ministre, pour que la situation soit réglée le plus vite possible; c'est aussi entre leurs mains, nous les encourageons à le faire", a-t-il déclaré en marge de la journée paralympique samedi à Paris.
Conséquence, en partie, de ces grèves, "20,7% de stations-service connaissent des difficultés sur un produit au moins", contre 19% la veille, selon un décompte samedi à 13h00 du ministère de la transition énergétique.
"Les Hauts-de-France et l’Ile-de-France restent particulièrement touchées, même si la situation s’y améliore très légèrement", selon les autorités. Ainsi, dans le Pas-de-Calais "41% des stations rencontrent des difficultés", c'est-à-dire des ruptures sur au moins un carburant, "contre 52% avant-hier", et dans 39 % samedi dans le Nord (contre 47% jeudi).
- 10% d'augmentation -
"Les mesures que nous avons prises, dont l’autorisation pour les poids lourds ravitaillant les stations de circuler le week-end, ont permis de stabiliser la situation au niveau national", a déclaré samedi après-midi à la presse la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
La CGT a entamé son mouvement fin septembre pour réclamer 10% d'augmentation sur les salaires de 2022 - 7% pour l'inflation, 3% pour le partage de la richesse.
De son côté, la direction rappelle qu'elle a octroyé des mesures salariales représentant une augmentation moyenne de 3,5% en 2022 et renvoie à une séance de négociations prévue le 15 novembre pour les salaires de 2023. Elle semble inflexible sur ce calendrier.
"On a en face une direction jusqu’au-boutiste qui refuse malgré des bénéfices gigantesques de rediscuter des salaires 2022", a déclaré Alexis Antonioli, secrétaire général CGT sur la plateforme Normandie, s'estimant "pris en otage" par une direction "qui refuse d’ouvrir une discussion". "De 70% à 90 % des équipes" sont en grève, "on a entre 100 et 150 salariés à la journée mobilisés", a-t-il ajouté.
Interrogé samedi sur France Inter, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a pour sa part désapprouvé ces "grèves préventives", jugeant nécessaire de passer d'abord par la négociation.
Samedi, trois des six raffineries françaises étaient toujours à l'arrêt, selon la CGT: la plus grande raffinerie de TotalEnergies, en Normandie, et les deux raffineries françaises de l'américain Esso-ExxonMobil.
Par ailleurs, à la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), "il y avait 100% de grévistes au service expédition à la relève de 6h", a déclaré Pedro Afonso, élu CGT, empêchant tout remplissage des camions.
Les blocages des grévistes entraînent une baisse des livraisons de carburant, les stations-service sont donc plus souvent en rupture de stocks d'essence ou de diesel. TotalEnergies gère près du tiers des stations françaises.
Mais le groupe met aussi les perturbations sur le compte du succès de la remise à la pompe de 20 centimes qu'il accorde depuis le 1er septembre, en sus de la ristourne de l'Etat de 30 centimes.
E.Mancini--IM