Iran: manifestations dans plusieurs universités du pays
Des manifestations ont eu lieu samedi dans plusieurs universités en Iran pour dénoncer la répression meurtrière du mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini arrêtée par la police des moeurs, il y a 16 jours.
Des rassemblements ont par ailleurs été organisés à travers le monde en solidarité avec le mouvement, dont la répression a fait au moins 83 morts depuis le décès de la Kurde iranienne le 16 septembre, trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique qui oblige notamment les femmes à porter le voile.
Le pouvoir, qui dément toute implication des forces de l'ordre dans la mort de la jeune femme de 22 ans, a fait arrêter des centaines de manifestants, qualifiés d'"émeutiers".
"Des étudiants ont manifesté samedi dans des universités pour dénoncer les agissements de la police envers les protestataires", a affirmé l'agence de presse iranienne Fars, sans préciser où ont eu lieu ces manifestations, ni leur ampleur.
L'agence a toutefois indiqué que des rassemblements "ont aussi été organisés sur la place Enghelab ("Révolution" en persan, ndlr) près de l'Université de Téhéran, dans le centre de la capitale, où des heurts ont éclaté entre la police et les manifestants dont certains ont été arrêtés".
Selon des témoins, de nombreux policiers anti-émeutes avaient pris position plus tôt samedi à différents carrefours de Téhéran.
- "Noyée dans le sang" -
Sur les réseaux sociaux, plusieurs vidéos vérifiées par l'AFP ont circulé samedi montrant des rassemblements dans des universités, notamment à Téhéran et dans la ville sainte de Machhad (nord-est), deuxième ville du pays.
Sur ces images, on peut voir des dizaines de manifestants chantant et scandant des slogans favorables au mouvement de contestation.
"La ville est noyée dans le sang, mais nos professeurs gardent le silence!", ont scandé des dmanifestants rassemblés devant l'université de Karaj, à l'ouest de Téhéran, selon une vidéo diffusée par l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo.
"Femmes, vie, liberté", ont lancé des hommes et des femmes en pleine rue en reprenant un slogan phare du mouvement de contestation.
Selon l'agence Fars, environ 60 personnes ont été tuées depuis le 16 septembre, tandis qu'Iran Human Rights a fait état d'au moins 83 morts.
Plus de 1.200 manifestants ont été arrêtés, d'après un bilan officiel. Des militants, des avocats et des journalistes ont également été interpellés, selon des ONG.
- Manifestations de solidarité -
A l'étranger, des rassemblements de solidarité, auxquels participe la diaspora iranienne, se tiennent samedi dans plus de 150 villes, selon les organisateurs.
A Rome, un millier de personnes ont défilé au rythme des tambours, réclamant "justice" pour Mahsa Amini.
A Berlin, plus de 1.000 personnes se sont réunies, brandissant des pancartes dénonçant le régime iranien, tandis qu'à Tokyo, des manifestants avaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "On ne s'arrêtera pas". "Non à la dictature", ont scandé quelque 200 personnes à Lisbonne.
L'ancien Premier ministre iranien Mir Hossein Mousavi, aujourd'hui dans l'opposition, a exhorté les forces de l'ordre à cesser les violences, dans un message publié sur le compte Instagram du site Kaleme qui lui est proche.
"J'aimerais rappeler à toutes les forces de l'ordre leur serment de protéger notre terre, l'Iran, et les vies humaines, les biens, et les droits du peuple", a dit l'ancien responsable qui est en résidence surveillée depuis 2011. "Le sang des oppressés est plus fort que la violence des tyrans."
Amnesty International a dénoncé une répression "impitoyable" contre le mouvement de contestation, notant le recours à des balles réelles et billes de plomb, des passages à tabac et des violences sexuelles à l'encontre des femmes par les forces de l'ordre.
Les autorités iraniennes accusent, elles, les manifestants de semer le "chaos" et des forces à l'étranger, parmi lesquelles les Etats-Unis, leur ennemi juré, d'être derrière les rassemblements.
Vendredi, elles ont annoncé l'arrestation de "neuf ressortissants d'Allemagne, de Pologne, d'Italie, de France, des Pays-Bas, de Suède, etc". Selon Téhéran, ils ont été interpellés "sur les lieux d'émeutes ou y ont été mêlés".
Des violences ont par ailleurs éclaté vendredi dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), où 20 personnes, dont deux colonels des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique du régime, sont mortes dans des heurts, selon les autorités. Il n'était pas clair dans l'immédiat si ces affrontements étaient liés au mouvement de contestation.
Celui-ci est le plus important depuis les manifestations de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l'essence, qui avaient été sévèrement réprimées.
I.Pesaro--IM