Foot: Alain Bauer préconise de tendre la main aux supporters
"Main tendue vis-à-vis des supporters": le football français et les autorités doivent "rétablir un dialogue" et établir des "contrats" avec les ultras, en évitant d'être "plus punitif" face aux débordements en tribunes, déclare à l'AFP l'universitaire Alain Bauer, chargé d'un rapport sur le sujet.
Après avoir présenté ses premières pistes de propositions au Conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) vendredi matin, Alain Bauer, professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, a détaillé dans un entretien les réformes envisagées dans son rapport, attendu entre la mi-octobre et la fin octobre.
Q: Face aux violences dans les stades, vous suggérez de responsabiliser les supporters et les acteurs locaux par le biais d'un contrat. Quel est l'objectif ?
R: "Les supporters doivent devenir des partenaires, y compris les ultras. (...) Ce sont des partenaires nécessaires et utiles à la vie, au spectacle et à la fête du football. Nous souhaitons revisiter la logique générale, qui fait quoi, où et comment, que les choses soient claires d'un point de vue interministériel. Et ensuite qu'il y ait une décentralisation de cette contractualisation sur le terrain, en mode +sur mesure+, et pas +prêt-à-porter+. Chaque site doit être pris avec sa logique, ses partenaires, son histoire, ses problématiques relationnelles. (...) C'est la logique centrale de la proposition qui est faite, de cette main tendue vis-à-vis des supporters, de ce travail en équipe, avec une doctrine nationale et une application décentralisée au niveau local. C'est au niveau local que la main tendue aura toute son efficacité et son intérêt."
Q: Vous parlez de dialogue, mais beaucoup de préfectures aujourd'hui préfèrent interdire de déplacement les supporters adverses...
R: "Ce qu'on essaie de faire rend possible à nouveau les déplacements de supporters, on est dans un cadre partenarial et contractuel. Chacun prend des engagements. Et il faut sortir de la sanction collective (comme les interdictions de déplacements, huis clos ou retraits de points, NDLR). Il faut la conserver comme argument ultime mais une dissuasion dont on se sert tout le temps n'est plus une dissuasion. Il faut arriver à rétablir un dispositif d'individualisation de la sanction pour ceux qui ne se trouvent pas dans le cadre partenarial et offrir des possibilités nouvelles d'animation du match, comme la pyrotechnie contrôlée."
Q: Pensez-vous que les supporters et les clubs adhéreront à ces propositions ?
R: "Rétablir un dialogue est un élément indispensable. Or beaucoup de supporters disent qu'on leur donne des ordres, qu'on va les punir, qu'on ne les écoute pas et qu'on ne leur parle pas. C'est une erreur. Qu'on aboutisse, peut-être pas, il y a des endroits beaucoup plus durs que d'autres, des endroits où les associations de supporters n'existent pas en tant que telles. (...) Le consensus, c'est que l'intégralité des propositions que nous faisons sortent du terrain."
Q: Que fait-on en cas de nouveaux débordements ?
R: "Ça marche comme le code de la route (...) Il y a des contrevenants mais pour l'essentiel ça ne fonctionne pas si mal. L'idée c'est d'arriver à un code de la route du football. Bien évidemment il y aura des contrevenants, des gens qui ne vont pas le respecter, des gens qui vont tester le système. Mais si on est dans une logique partenariale avec les supporters, ces gens-là ne sont plus des supporters mais des voyous qui se servent du sport et le dénaturent. S'il n'y a pas de volonté partenariale (de leur part) et s'il se produit des événements, la logique voudra qu'un front commun de défense du football impose des sanctions rapides, efficaces et fermes."
Q: Risque-t-on alors une nouvelle escalade disciplinaire, comme la saison dernière ?
R: "L'idée n'est pas d'être plus sanctionnant, c'est d'être plus ouvert, y compris sur des expérimentations de pyrotechnie contrôlée. C'est de considérer que les supporters sont des partenaires, et pas des adversaires. L'idée n'est pas d'être plus punitif, l'idée générale est d'éviter d'avoir à le devenir."
Propos recueillis par Jean DÉCOTTE.
F.Lecce--IM