Forte tension au Burkina à la suite d'un "mouvement d'humeur" au sein de l'armée
Tentative de coup d'Etat ou simple grogne de l'armée ? Le Burkina se retrouve sous tension vendredi après que des tirs ont été entendus et des soldats ont pris position sur de grands axes de Ouagadougou.
La junte militaire se retrouve ainsi confrontée à un mécontentement dans ses rangs, elle qui avait pris le pouvoir en janvier à la faveur d'un coup d’Etat qui avait démarré par des mutineries dans plusieurs casernes.
Vendredi avant l'aube dans la capitale Ouagadougou, des tirs d'origine encore inconnue ont été entendus dans le quartier abritant la présidence et le QG de la junte, ont rapporté des témoins à l'AFP.
"J'ai entendu de lourdes détonations vers 4h30 (heure locale et GMT), et là les routes autour de ma maison sont barrées par des véhicules militaires", a affirmé l'un d'eux, vivant près de la présidence.
Plusieurs axes de la ville ont été barrés par des militaires postés sur les principaux carrefours de la ville, notamment devant le siège de la télévision nationale, dont le signal a été interrompu pendant plusieurs heures, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"C'est une crise interne à l'armée, les échanges se poursuivent pour un dénouement sans écueil", a affirmé le porte-parole du gouvernement burkinabè, Lionel Bilgo, après plusieurs heures de silence du pouvoir.
Il s'agit d'une "crise militaire de certaines unités, sur la base de revendications liées à des primes et à certains traitements", a ajouté M. Bilgo.
- Pourparlers -
"Les discussions sont en cours", a-t-il affirmé. "Le président", le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, "est avec ses hommes et ils mènent les discussions", selon lui.
Dans un communiqué publié peu après ces déclarations à l'AFP, la présidence du Burkina indique que M. Damiba, "au regard de la situation confuse créée suite à un mouvement d'humeur de certains éléments des forces armées nationales (...) invite les populations à observer la plus grande prudence et à rester calme".
"Des pourparlers sont en cours pour ramener le calme et la sérénité", ajoute-t-il, affirmant que "l'ennemi qui attaque notre pays ne souhaite que la division entre Burkinabè pour accomplir son action de déstabilisation".
Le coup d’Etat mené en janvier par le lieutenant-colonel Damiba avait renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré.
M. Damiba, avait promis en prenant le pouvoir de faire de la sécurité sa priorité, dans ce pays miné depuis des années par de sanglantes attaques jihadistes. Mais celles-ci se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le nord du pays.
- Manifestation pro-russe -
Plusieurs centaines de personnes, dont certaines brandissaient des drapeaux russes, se sont rassemblées vendredi après-midi sur la grande place de la Nation à Ouagadougou pour réclamer une coopération coopération militaire avec la Russie, rejeter la présence militaire française au Sahel et exiger le départ du lieutenant-colonel Damiba, a constaté une journaliste de l'AFP.
Le ministère français des Affaires étrangères à demandé à ses ressortissants à Ouagadougou, estimés entre 4.000 et 5.000, de rester chez eux.
Une porte-parole de la Commission européenne à Bruxelles a dit espérer que la situation "revienne rapidement au calme et que l'ensemble des Burkinabé restent unis et solidaires dans ces moments difficiles".
Ces derniers mois, des attaques meurtrières, touchant des dizaines de civils et soldats, se sont multipliées dans le nord et l'est, où des villes sont désormais soumises à un blocus des jihadistes, qui font sauter des ponts à la dynamite et attaquent les convois de ravitaillement qui circulent dans la zone.
Le 5 septembre, un premier convoi avait sauté sur un engin explosif improvisé, provoquant la mort de 35 civils, dont de nombreux enfants.
Quelques jours après, le 13 septembre, le lieutenant-colonel Damiba avait limogé son ministre de la Défense pour assumer lui-même ce rôle.
Cette semaine, un autre convoi, escorté par l'armée et qui devait ravitailler en vivres la ville de Djibo (nord), a été attaqué par des jihadistes présumés.
Avec un bilan très lourd: 11 soldats sont morts, 28 personnes ont été blessées et 50 civils sont portés disparus, selon les derniers chiffres officiels.
D'autres attaques ont particulièrement marqué l'opinion publique, comme le massacre de Seytenga (nord) en juin dernier, au cours duquel 86 civils avaient été tués.
Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, principalement dans le nord et l'est du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes.
L.Marino--IM