

Au Mipim, les investisseurs courtisés pour réinvestir dans le logement
En pleine crise du logement en Europe et pour relancer la construction, les villes cherchent à attirer les grands investisseurs mondiaux qui semblent de plus en plus intéressés par le résidentiel, au salon international de l'immobilier à Cannes.
Conférences sur le logement abordable, sur la démographie, présence de nombreux maires, sommet de "ré-investissement", le "housing" est dans toutes les bouches au salon Mipim (marché international des professionnels de l'immobilier) qui affiche une volonté de rapprocher public et privé.
Comme d'autres représentants de grandes villes venus séduire les grands argentiers présents, le maire de Londres Sadiq Khan a lancé "plus d'investissements s'il-vous-plaît dans ma ville", lors d'un discours lundi devant un parterre de professionnels de l'immobilier.
Les investisseurs institutionnels, tels que les assurances, les gérants d'actifs, les fonds de pension, "peuvent aider à combler ce fossé, par exemple en cas de problèmes chez les promoteurs nationaux, et fournir du stock de logement", affirme Tom Leahy, directeur de la recherche en actifs réels en Europe de la société de services financiers MSCI. En France, les entreprises, liées au public, CDC Habitat et Action Logement ont massivement acheté des logements aux promoteurs en mal de clients en 2024.
"Le problème actuellement est que l'immobilier dans son ensemble manque de nouveaux capitaux entrants" à cause de la hausse des taux d'intérêt qui a bousculé le marché, ajoute-t-il, interrogé par l'AFP.
Les biens immobiliers et infrastructures gérés par des entreprises représentaient plus de 13.000 milliards de dollars dans le monde en 2023, selon MSCI, dont 22% de logements.
En France, les investisseurs institutionnels ont délaissé le logement au fil des années depuis 1980, pour se diriger vers des marchés plus rentables : bureaux, hôtellerie ou même des placements non immobiliers, comme des actions en Bourse.
Aujourd'hui, Tom Leahy rapporte que "si vous regardez où les investisseurs veulent déployer des capitaux, le résidentiel est encore très haut placé (...) en raison de tendances structurelles : pénurie de logements, croissance des loyers dans beaucoup de grandes villes européennes, urbanisation, croissance démographique".
A l'inverse le développement du télétravail a mis un coup d'arrêt au développement des bureaux et fait chuter le prix de certaines surfaces.
- "Fabrique de la spéculation" -
La part du résidentiel dans les investissements a beaucoup progressé au cours des dernières années dans plusieurs pays européens selon MSCI, notamment le Royaume-Uni et l'Espagne, à l'exception de l'Allemagne où une grande partie du parc locatif privé est déjà géré par des entreprises.
"Les deux marchés les plus dynamiques en Europe sont le Royaume-Uni et l'Espagne car ce sont des marchés dérégulés, avec des loyers qui montent" et un retour sur investissement "au-delà de 5%", pointe Stéphane Theuriau, président de BC Partners Real Estate, investisseur spécialisé en immobilier.
Les loyers ont progressé de 9% en moyenne au Royaume-Uni en 2024 et de 11% en Espagne, ce qui a poussé le gouvernement espagnol à annoncer des mesures pour tenter de contenir la hausse des prix et relancer la construction.
En France, la rentabilité n'est "pas assez attractive" pour attirer des sociétés financières dans le locatif, selon Florence Semelin, chargé du résidentiel au cabinet de conseil en immobilier JLL, principalement en raison de l'encadrement des loyers dans la plupart des zones tendues, où on manque le plus de logements.
L'impact des financiers sur les locataires est en effet mitigé : les investisseurs de long terme "aident à professionnaliser le marché locatif résidentiel" car leur but est que "les gens restent le plus longtemps possible", mais des investisseurs en recherche de profits élevés peuvent aussi "faire fortement pression sur les loyers", relate Tom Leahy.
Des associations ont justement manifesté mardi et mercredi devant le Mipim, salon que Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement, qualifie de "fabrique de la spéculation, du logement cher et de la crise du logement".
Quant à la construction de logements neufs en France, en 2023, elle était financée à 83% par les ménages et moins de 12% des investissements provenaient des entreprises, hors bailleurs sociaux.
"C'est un enjeu de faire revenir les investisseurs institutionnels, mais cela ne suffira pas pour faire repartir la machine" de la construction, prévient-on à la FFB.
E.Colombo--IM