Mozambique: 125 morts en trois jours de violences, l'opposition ne désarme pas
Les violences de ces trois derniers jours au Mozambique, où l'opposition manifeste contre la victoire proclamée du parti au pouvoir aux élections d'octobre, a fait 125 morts, selon une ONG locale, et l'opposition ne donne aucun signe d'essoufflement.
Mardi soir, le gouvernement avait fait état de 21 morts lors des premières 24 heures d'émeutes dans plusieurs grandes villes de ce pays pauvre d'Afrique australe, après la confirmation lundi de la victoire du parti au pouvoir, le Frelimo, à la présidence come à l'Assemblée nationale.
L'évasion spectaculaire de 1.500 détenus de la grande prison de haute sécurité de la capitale Maputo mercredi a également fait 33 morts parmi les prisonniers évadés, selon le chef de la police, dans des affrontements avec les gardiens.
Mais Plataforma Decide, une ONG à la réputation sérieuse et dont les décomptes sont repris régulièrement par Amnesty International et d'autres ONG internationales, a comptabilisé un total de 125 morts sur l'ensemble du pays.
Cela porte, selon cette ONG, le bilan depuis le début des manifestations qui ont suivi le scrutin du 9 octobre à 252 morts, dans un pays qui n'avait pas connu de telles violences depuis la fin de la guerre civile, hormis les exactions commises par des groupes armés jihadistes dans le nord.
vLa plupart des décès sont comptabilisés autour de Maputo, les provinces du nord notamment Nampula où l'opposition est forte, ainsi qu'autour de Beira (centre), la deuxième ville du pays.
La police et les autorités confirment rarement les bilans, se contentant le plus souvent d'informations parcellaires.
Plus de 4.000 personnes ont été arrêtées depuis octobre dans le cadre de ces manifestations violentes, dont 137 sur les trois derniers jours, selon Decide.
- Pénuries d'essence -
En dépit de nombreuses irrégularités soulevées par les missions d'observateurs internationaux, le Conseil constitutionnel a confirmé lundi que Daniel Chapo, candidat du Frelimo au pouvoir depuis l'indépendance en 1975, avait gagné l'élection présidentielle avec 65,17% des voix.
Son investiture est prévue à la mi-janvier, à la fin de l'été austral.
L'opposition, menée par un charismatique ex-commentateur de télévision passé dans la clandestinité à l'étranger, Venancio Mondlane, appelle à manifester pour dénoncer cette élection "volée".
Jeudi, il a accusé les forces de l'ordre de laisser les pillages et le vandalisme prospérer pour donner au pouvoir un prétexte pour déclarer l'état d'urgence et écraser la contestation.
"Nos manifestations visent le Conseil constitutionnel, la commission électorale, le parti Frelimo lui-même, qui sont les responsables de la fraude" électorale, a affirmé l'opposant qui revendique la victoire dans l'un de ses nombreux messages diffusés sur les réseaux sociaux.
Face aux attaques de commerces et d'infrastructures dans les grandes villes, "il n'y a aucune action de la police", qui "encourage presque les gens à attaquer pour voler", accuse l'opposant de 50 ans.
Il avance aussi que "les forces de sécurité et de défense commettent des agressions et des vols", contribuant à amplifier la pagaille.
"Il est plus qu'évident que ces actes de vandalisme sont liés à un plan déjà élaboré, qui a été déjoué auparavant, et qui consistait à déclarer l'état d'urgence, ce qui n'a pas fonctionné, et maintenant ils (le pouvoir, ndlr) le font", a-t-il encore affirmé.
Certaines barricades sur les grands axes de Maputo et de la ville de Matola voisine avaient été démantelées jeudi mais beaucoup restaient en place et la circulation était difficile, a constaté l'AFP.
Dans le centre de la capitale, des supermarchés ont ouvert sur une demi-journée. Les banques, qui avaient annoncé leur réouverture, ont finalement gardé portes closes.
Plusieurs stations-essence ont ouvert aussi mais ont dû fermer au bout de quelques heures, faute de ravitaillement, le transport par camions-citernes restant très perturbé.
E.Accardi--IM