Rosario Murillo, la grande prêtresse excentrique du Nicaragua
Rosario Murillo, l'épouse du président Daniel Ortega, vice-présidente depuis 2017 et future coprésidente après l'adoption vendredi d'une réforme constitutionnelle, est célèbre autant pour ses diatribes extravagantes parsemées de références bibliques et ésotériques, que pour ses tenues excentriques et bariolées, agrémentées de bijoux hippies.
Mais les Nicaraguayens ne s'y trompent pas : la grande prêtresse New Age du régime a une main de fer, et aucun haut fonctionnaire ne lève le petit doigt sans son autorisation, assurent les familiers du pouvoir.
En charge de la communication et unique porte-parole du gouvernement, elle est aux côtés du président Ortega lors de toutes ses apparitions publiques. Dans le même discours, elle prêche "l'amour et la réconciliation" et cloue au pilori les opposants, qualifiés de "vampires assoiffés de sang".
Âgée de 73 ans, de six ans la cadette de son mari, elle va devenir "coprésidente" du Nicaragua avec les mêmes pouvoirs que Daniel Ortega après l'adoption vendredi par le Parlement d'une réforme constitutionnelle qui accroît l'emprise du couple sur le pays.
C'est en exil au Venezuela que le chef de l'Etat a rencontré sa future femme, dont il avait lu les poèmes en prison, sous la dictature d'Anastasio Somoza.
Depuis le retour au pouvoir de Daniel Ortega en 2007, qui avait déjà dirigé le pays de 1979 à 1990, son influence n'a fait que s'accroître dans l'ombre, puis au grand jour lorsqu'elle accède à la vice-présidence en 2017.
- Kitsch et ésotérisme -
Non contente de faire et défaire les carrières, elle a imposé son esthétique kitsch dans la capitale. Le fuchsia, sa couleur fétiche, domine lors des cérémonies officielles et sur les façades et les ronds-points de Managua.
Des avenues sont jalonnées d'"arbres de vie" de tôle peinte de couleurs éclatantes qui ont focalisé la colère des manifestants réclamant la démission du couple présidentiel en 2018.
Tout le Nicaragua bruit de rumeurs sur ses prétendus pouvoirs magiques. Elle est décrite comme "superstitieuse" par la poétesse Gioconda Belli, qui fut son amie dans la lutte contre la dictature de Somoza.
Parente par sa mère du héros nicaraguayen Augusto Cesar Sandino (1895-1934), Rosario Murillo est née le 22 juillet 1951 à Managua dans une famille aisée. A l'âge de 11 ans, son père l'a envoyée en Angleterre et en Suisse pour y obtenir un diplôme de secrétaire de direction.
Enceinte à l'âge de 15 ans de sa première fille, Zoilamerica, elle a été obligée par ses parents de se marier avec le géniteur, rencontré lors de vacances au Nicaragua.
Elle commence à travailler en 1968 comme secrétaire du journaliste Pedro Joaquin Chamorro, directeur du quotidien La Prensa et dont l'assassinat en 1978 fut le détonateur pour renverser la dictature Somoza.
En 1990, la veuve du journaliste, Violeta Chamorro, triomphait dans les urnes face à... Daniel Ortega.
Dès 1969, Rosario Murillo intègre les rangs de la guérilla marxiste du Front sandiniste de libération nationale (FSLN, parti aujourd'hui au pouvoir) et commence à publier des poèmes en 1973 dans La Prensa, avant de partir en exil en 1977.
Liant son destin à celui de Daniel Ortega elle n'a cessé d'exercer une profonde influence sur son époux. Lorsque sa fille Zoilamerica accusa en 1998 son beau-père d'abus sexuels, Rosario Murillo prit fait et cause pour Daniel Ortega.
"J'aurais compris qu'elle se taise, mais pas qu'elle devienne ma principale persécutrice", a confié Zoilamerica à l'AFP au Costa Rica, où elle s'est exilée.
E.Colombo--IM