Des milliers d'agriculteurs à Londres contre un projet de taxe sur la succession
Des milliers d'agriculteurs britanniques, venus pour certains en tracteur, ont manifesté mardi dans le centre de Londres leur opposition à une taxe controversée sur la succession de certaines fermes, récemment annoncée par le gouvernement travailliste.
Bravant la pluie - et même quelques flocons de neige -, les manifestants se sont réunis devant Downing Street pour exprimer leur colère contre ce projet du gouvernement, qu'ils accusent de "trahison".
A la mi-journée, ils étaient au nombre de 10.000, selon la police.
Beaucoup brandissaient des pancartes, sur lesquelles était par exemple écrit: "Pas d'agriculteurs, pas de nourriture", ou "La guerre fiscale va détruire les fermes". D'autres ont déposé des cartons et cagettes remplis de fruits et légumes sur la chaussée.
"Ce budget ridicule va nous mettre tous en faillite... c'est trop pour nous", a déclaré à l'AFP Olly Harrison, l'un des organisateurs de la manifestation.
"L'impact humain de cette politique est tout simplement inacceptable", et elle "mettra à mal la sécurité alimentaire britannique", a martelé Tom Bradshaw, président du principal syndicat agricole National Farmers Union (NFU).
"Nous avons proposé de rencontrer le Trésor pour leur proposer des solutions, mais (la ministre de l'Economie) Rachel Reeves a malheureusement refusé de donner suite", a-t-il regretté.
Jusqu'à présent, les exploitations agricoles britanniques pouvaient bénéficier d'une exonération des droits de succession sur leurs biens et propriétés, une mesure censée faciliter la reprise des fermes.
Le gouvernement travailliste a annoncé le 30 octobre, lors de la présentation de son premier projet de budget, que cette exonération ne s'appliquerait plus aux exploitations dont la valeur dépasse un million de livres (1,20 million d'euros), à partir d'avril 2026.
Elles seront désormais soumises à un taux d'imposition de 20%, la moitié du taux habituel des droits de succession.
Les trois quarts des agriculteurs devraient échapper à cette taxe, selon le Trésor, mais les manifestants rencontrés mardi à Londres peinaient à y croire.
"Je suis ici pour ma fille. Elle a 21 ans et elle veut reprendre l'exploitation, mais elle ne pourra pas", s'est désolé Graham Langer, éleveur de moutons de 63 ans, venu du Herefordshire.
Cette taxe "est une gifle pour les agriculteurs et les campagnes, qui signifie que nous n'avons aucune importance pour le gouvernement", a déploré Anna, qui exploite avec son père la ferme familiale.
- Bataille de chiffres -
Le Premier ministre Keir Starmer a assuré lundi qu'il comprenait les "inquiétudes" des agriculteurs et que "la grande majorité des exploitations agricoles" ne seraient pas affectées.
Le ministre de l'Environnement Steve Reed a aussi défendu mardi que le gouvernement était "du côté du agriculteurs", et que cette modification ne concernait "qu'environ 500 exploitations".
Selon l'exécutif, le seuil réel à partir duquel ces droits de succession seraient payés pourrait en effet s'élever à 3 millions de livres (3,6 millions d'euros), en raison des abattements prévus dans le cas où un couple souhaite transmettre son exploitation à un enfant.
"C'est n'importe quoi", s'est emporté Graham Langer, en pointant l'envolée de la valeur de ses terres ces dernières années du fait de la promotion immobilière.
Beaucoup s'appuient sur un chiffre du ministère des Affaires rurales selon lequel 66% des entreprises agricoles ont une valeur supérieure à un million de livres. La NFU, qui compte plus de 45.000 membres en Angleterre et au Pays de Galles, affirme que "75% des fermes commerciales (...) seront dans l’œil du cyclone".
Depuis le Brexit, les agriculteurs britanniques souffrent de pénuries de main-d’œuvre et d'un déficit de financement, car ils ne bénéficient plus des fonds de la politique agricole commune européenne (PAC).
"Je ne crois pas que les gens réalisent à quel point les agriculteurs luttent depuis plusieurs années (...) pour s'occuper de leurs terres, pour gagner de l'argent", donc cette manifestation "va au-delà de (la taxe)", a insisté Claire, sœur de l'agricultrice Anna.
De l'autre côté de la Manche, les agriculteurs français ont poursuivi mardi un vaste mouvement de protestation débuté la veille. Ils s'opposent notamment à la signature par l'Union européenne d'un accord de libre-échange avec des pays sud-américains du Mercosur.
R.Marconi--IM