Mexique: l'autre crise qui couve mardi en Amérique du Nord
Journée sous haute tension mardi en Amérique du Nord: en plus des élections américaines à l'issue incertaine, le Mexique, premier partenaire des Etats-Unis, vit à l'heure d'un bras de fer sans précédent entre la Cour suprême et la présidente de gauche.
En résumé: huit des onze membres de la Cour sont sur le point d'invalider la réforme constitutionnelle du pouvoir judiciaire approuvée et promulguée en septembre dernier par le Parlement et l'exécutif de gauche nationaliste.
Les huit s'apprêtent à censurer la clé de voûte de l'édifice: l'élection à partir de juin 2025 de tous les juges et magistrats par un vote populaire.
"Huit membres de la Cour ne peuvent pas se placer par-dessus le peuple du Mexique", a d'ores et déjà prévenu la présidente Claudia Sheinbaum.
"Le peuple du Mexique va voter pour les juges, les magistrats et les membres de la Cour suprême", a-t-elle répété lundi.
La présidente investie le 1er octobre défend cette réforme promulguée mi-septembre par son prédécesseur et mentor Andres Manuel Lopez Obrador.
Largement majoritaire au Parlement, le pouvoir de gauche avait adopté cette réforme pour lutter contre la "corruption" et les "privilèges" des juges, selon ses propres termes.
L'opposition dénonce une remise en cause de l'indépendance de la justice.
- "Sans précédent" -
Les Etats-Unis affirment que cette réforme menace leurs investissements privés au Mexique, qui ont besoin de stabilité juridique.
Avec la "politisation du système judiciaire", les investisseurs peuvent se demander si "les désaccords entre les milieux d'affaires et le gouvernement seront résolus d'une manière impartiale", s'interroge la société britannique Capital Economics dans une note à ses clients.
Que va-t-il se passer si les membres de la Cour censurent le coeur de la réforme, et que la présidente refuse de se soumettre à leur décision?
"Nous serions devant une crise constitutionnelle grave sans précédent", a commenté à l'AFP Francisco Burgoa, professeur de droit constitutionnel à l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM).
Cette crise "pourrait avoir des répercussions profondes sur la stabilité politique, économique et sociale du pays (...) affectant l'économie et les relations internationales du Mexique", estime-t-il.
Mais si le gouvernement respecte la décision de la Cour, "on ferait preuve d'un exercice de bon sens et de prudence en faveur de la stabilité du pays".
Dans le détail, la Cour va examiner mardi l'arrêt défendu par l'un de ses onze membres, Juan Luis Gonzalez Alcantara.
"Il n'existe pas de régime démocratique sans qu'il n'y ait une division des pouvoirs effective", souligne le projet d'arrêt, qui propose de déclarer inconstitutionnelle l'élection des juges et des magistrats locaux, sans toucher à l'élection des membres de la Cour suprême.
La semaine dernière, huit des onze juges de la Cour suprême -dont la présidente Norma Pina et l'auteur de l'arrêt José Luis Gonzalez- ont présenté leur démission, qui sera effective en août 2025, tout comme celles des magistrats qui refuseront de concourir aux élections.
La présidente Sheinbaum les a accusés de démissionner uniquement pour toucher leur retraite et les avantages afférents.
E.Mancini--IM