Ukraine: à Severodonetsk, les derniers habitants vivent sous les bombes
Des frappes se font entendre, dans un quartier proche. A chaque explosion, Maria serre son fils contre elle. Malgré les bombardements, elle ne veut pas quitter Severodonetsk, ville fantôme, la plus à l'est encore tenue par l'armée ukrainienne.
Pendant une vingtaine de minutes, des sifflements brefs de roquettes suivis d'explosions se succèdent.
Avec son fils Maxime, 6 ans, Maria se tient sur le pas de la porte de l'entrée à l'arrière d'un petit immeuble.
"Il n'y a plus d'électricité, ni d'eau", dit la jeune femme, qui vit là avec son mari et sa belle-mère.
"Mais je préfère rester ici, chez moi. Si on s'en va, on va aller où? Ceux qui partent, on s'occupe d'eux trois jours, et puis après plus rien, ou alors ils vivent dans des appartements avec beaucoup de monde", explique-t-elle.
"Les bombardements? C'est tout le temps comme ça", lâche-t-elle, après une nouvelle explosion.
La ligne de front avec les territoires séparatistes prorusses est toute proche. La ville, de plus de 100.00 habitants avant la guerre, est quasiment vidée de sa population.
Environ 400 civils y ont été enterrés depuis le début de la guerre, selon le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.
- Appels à évacuer -
Mercredi, il fait un temps de chien: pluie, froid, vent, ciel gris et bas, les nuages sombres défilent, l'eau remplit les nids de poule des rues.
Pas le temps idéal pour la grande offensive russe que les Ukrainiens disent imminente, visant à prendre le contrôle total du Donbass, que les forces ukrainiennes et leurs ennemis séparatistes prorusses se partagent depuis 2014.
Les positions sont figées depuis plusieurs jours. Seule l'artillerie de chaque camp semble être active.
Dans la large rue des Chimistes, qui va du centre-ville à un bois au-delà duquel se trouvent les forces russes qui visent la localité, de rares civils sont surpris en train de faire leurs courses.
Au bruit des frappes, ils pressent le pas, rasent les murs, le dos vouté.
Iouri rentre chez lui rapidement, un sac plastique plein dans chaque main. Il vient de faire quelques courses dans l'un des rares petits magasins encore ouverts.
"Je me sens comme tout le monde quand il y a des bombardements, comment pouvez-vous vous sentir normal?", dit-il sans s'arrêter.
Un peu plus loin dans la même rue, l'équipe de journalistes de l'AFP croise un homme de 70 ans.
Il marche à côté d'une dame. "Je cherche quelque chose à boire. Cette femme veut du pain. Mais ils n'en vendent pas", rouspète le vieil homme, prénommé Iouri également.
N'a-t-il pas peur des bombardements? "J'ai peur, très peur, mais j'ai 70 ans, donc je ne le montre pas", dit-il avec un sourire.
Il aurait besoin de médicaments pour ses articulations et sa jambe qui le font souffrir.
Mais "il n'y a plus de médecins, pas d'infirmières, et toutes les pharmacies sont fermées".
Le gouverneur a appelé les habitants à évacuer la région de Lougansk, dont Severodonetsk est la capitale.
Un petit bus jaune se gare devant le centre culturel, lieu de rendez-vous pour les personnes voulant être évacuées.
Tamara Iakovenko, 61 ans, est venue avec sa mère, 83 ans. Quatre autres personnes attendent avec elles au point de ramassage.
"Nous devons partir (...) Ici, on doit rester au sous-sol. C'est horrible. Toutes les 10 ou 15 minutes, il y a des bombardements", explique la sexagénaire.
"Nous recevions de l'aide humanitaire, mais maintenant personne ne se souvient de nous. Certains essayent de cuisiner à l'extérieur sur un feu de bois... Et boum, boum... tout le monde doit retourner au sous-sol en courant. Toute la nuit jusqu'au matin, il n'y a pas de repos", raconte-t-elle.
- Troupes russes -
Aux checkpoints à l'entrée de la ville, les soldats ukrainiens ont revêtu leurs capes de pluie.
Ils sont peu nombreux dans la ville. Au coin d'un immeuble stationne un blindé léger, recouvert d'un filet de camouflage. Quelques soldats sont visibles.
Sur la route vers l'ouest qui mène à Kramatorsk, il n'y a pas de grands mouvements de troupes visibles.
On croise juste quelques véhicules de transports de troupes vides ou bien des camions citerne qui montent vers le front.
Selon le gouverneur régional, les Russes concentrent leurs forces près de Rubizhne, à moins de 10 km au nord de Severodonetsk.
La nuit dernière, Rubizhne a été la cible de bombardements toute la nuit, selon un habitant, dont la maison domine les deux localités.
V.Barbieri--IM