Ukraine: Biden accuse Poutine de "génocide" pour la première fois
Le président américain Joe Biden a pour la première fois accusé dans la nuit de mardi à mercredi son homologue russe Vladimir Poutine de mener un "génocide" en Ukraine, mot jusque-là employé par le chef d'Etat ukrainien Volodymyr Zelensky mais jamais par l'administration américaine.
"Oui, j'ai appelé ça un génocide", a dit Joe Biden à des journalistes lors d'un déplacement dans l'Iowa, quelques heures après avoir évoqué ce terme lors d'un discours consacré à la lutte contre l'inflation.
"Il est de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d'effacer l'idée même de pouvoir être un Ukrainien", a développé le président américain. Si "les avocats, au niveau international", trancheront sur la qualification de génocide, "pour moi, cela y ressemble bien", a-t-il assuré.
Le président ukrainien a salué sur Twitter les "vrais mots d'un vrai leader", car "appeler les choses par leur nom est esentiel pour s'opposer au mal", tout en réclamant "en toute urgence plus d'armes lourdes".
Accusé de génocide, Vladimir Poutine a vu le même jour un de ses proches, le député et hommes d'affaires Viktor Medvedtchouk, arrêté par les autorités ukrainiennes, qui ont même diffusé une photo de lui menotté.
Ce riche Ukrainien de 67 ans est connu pour ses liens avec M. Poutine qui est, selon l'intéressé, le parrain de l'une de ses filles. Il avait pris la fuite fin février alors qu'il était assigné à résidence depuis mai 2021 après avoir été inculpé de "haute trahison" et de "tentative de pillage de ressources naturelles en Crimée", la péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a refusé de commenter son arrestation aux agences de presse russes, affirmant qu'"il y a beaucoup de +fake+ venant d'Ukraine" et disant que "cela doit d'abord être vérifié".
En soirée, M. Zelensky a proposé à Moscou d'"échanger" M. Medvedtchouk contre les Ukrainiens en captivité en Russie, alors que les pourparlers entre Kiev et la Russie sont au point mort. M. Poutine avait d'ailleurs estimé plus tôt mardi que le "manque de cohérence" des négociateurs ukrainiens empêchait tout accord.
- "Ils paieront" -
Sur le terrain, la situation continue de se dégrader.
Entre 20 et 22.000 personnes sont mortes dans la ville de Marioupol, a déclaré mardi Pavlo Kirilenko, gouverneur ukrainien de la région de Donetsk, lors d'un entretien avec la chaîne de télévision américaine CNN. Il a admis qu'il était toutefois "difficile d'évoquer un nombre de victimes", la ville faisant l'objet d'un blocus.
La ville, assiégée, est coupée du monde et bombardée depuis plus de 40 jours.
"La seule opération spéciale que Poutine a menée à bien est une opération spéciale visant à détruire Marioupol et à tuer des civils", a lancé dans la nuit de mardi à mercredi Vadym Boychenko, maire de la ville, sur Telegram.
"L'Allemagne fasciste en 1941 semblait invincible. Mais à la fin, le mal a été puni. Les criminels de guerre ont pourri dans les prisons ou ont été éliminés. Pendant des décennies, les Allemands ont payé des réparations. Il en sera de même avec la Russie. Ils paieront pour tout", a-t-il ajouté.
Prendre Marioupol permettrait aux Russes de consolider leurs gains territoriaux sur la bande côtière longeant la mer d'Azov en reliant la région du Donbass à la Crimée.
L'existence d'un vaste complexe métallurgique transformé en bastion par les forces ukrainiennes de Marioupol, avec des kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée pour le contrôle total de cette ville stratégique, voire le recours à des armes chimiques, envisagé par les séparatistes prorusses du Donbass.
Selon le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, "les forces russes pourraient utiliser différents agents anti-émeutes, notamment des gaz lacrymogènes mélangés avec des agents chimiques" face aux "combattants et civils ukrainiens" à Marioupol.
Pour Moscou, "la menace de terrorisme chimique" provient des Ukrainiens, a assuré Oleg Syromolotov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, à l'agence de presse Ria Novosti.
Depuis que la Russie a annoncé le retrait de ses forces de la région de Kiev - pour mieux les concentrer dans l'est du pays -, les Ukrainiens ont repris le contrôle de la totalité des villes situées près de la capitale.
Toutes ont été dévastées par les combats. Des scènes de "massacre" y ont eu lieu, assurent les autorités ukrainiennes qui accusent Moscou de "crimes de guerre".
Mardi, le corps du maire de Gostomel, mort le 7 mars, a été exhumé devant des enquêteurs ukrainiens, dans le cadre d'une investigation pour déterminer si Youri Prylipko a été victime d'un crime de guerre. Son cadavre a été hissé hors de sa tombe, et la police a filmé chacune de ses blessures, parmi lesquelles une à la tête, selon des journalistes de l'AFP présents sur place.
- "Pertes importantes" -
Autour de Kiev, les corps de six personnes tuées par balles retrouvés dans un sous-sol dans la banlieue est, selon le Parquet général ukrainien, se sont ajoutés mardi aux centaines d'autres retrouvés ces deux dernières semaines dans les environs de la capitale.
Aucun bilan récent des victimes civiles n'est disponible mais il dépasse probablement la dizaine de milliers de morts. Les nombreux cadavres retrouvés début avril à Boutcha, près de Kiev, avaient provoqué une indignation internationale.
Vladimir Poutine, dont le pays nie toute exaction en Ukraine, a qualifié mardi de "fake" (fausses) les informations accusant ses soldats d'avoir massacré des centaines de civils à Boutcha.
Sur le plan militaire, le Kremlin a récemment admis des "pertes importantes", mais sans les quantifier. Fin mars, Moscou avait reconnu la mort de 1.351 soldats pour 3.825 blessés, premiers chiffres depuis plus de trois semaines.
Des analystes estiment que Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans cette région avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
Plus de 4,6 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de l'invasion le 24 février, selon les derniers chiffres publiés mardi par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
La guerre en Ukraine a déclenché une réaction en chaîne dans l'économie mondiale avec une hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires qui va aggraver pauvreté et faim, et alourdir le fardeau de l'endettement, a souligné mardi le président de la Banque mondiale.
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P.Conti--IM