L'économie russe commence à se fissurer sous le poids des sanctions
Risque de défaut, effondrement du secteur automobile, inflation... Après des semaines de sanctions de plus en plus dures, l'économie russe commence à se fissurer, selon des données publiées mercredi.
Si les annonces en cascade de retraits de groupes internationaux de Russie avaient fait du bruit, elles ne s'étaient pas encore traduites par de graves répercussions sur l'activité économique réelle. Mais les salves de sanctions allant crescendo depuis le début de l'offensive russe en Ukraine, les effets commencent désormais à se faire sentir.
Le ministère russe des Finances a annoncé avoir réglé en roubles une dette de près de 650 millions de dollars à la suite du refus d'une banque étrangère d'effectuer le paiement en dollars, ce qui l'expose à un risque de défaut au bout d'une période de grâce de 30 jours commençant le 4 avril.
Pendant plusieurs semaines, la Russie a réussi à écarter le danger d'un défaut, le Trésor américain permettant l'utilisation de devises étrangères détenues par Moscou à l'étranger pour régler des dettes extérieures. Mais il a durci cette semaine les sanctions, n'acceptant plus de dollars détenus par Moscou dans des banques américaines.
Le ministère russe a par ailleurs mis en garde mercredi les créanciers de pays "inamicaux": l'argent leur sera remboursé en roubles déposés sur un compte russe et ils ne pourront convertir ces roubles qu'à condition que les fonds de la Russie à l'étranger soient débloqués.
Selon Elina Ribakova, de l'Institut de Finance Internationale à Washington, il s'agit pour Moscou de "montrer qu'ils peuvent payer", tout en étant "un geste symbolique".
"Il n'y a pas de fondement pour un réel défaut", a pour sa part balayé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, interrogé lors d'un point de presse mercredi, affirmant que "la Russie avait toutes les ressources nécessaires pour honorer ses dettes".
- "Poutine appauvrit la Russie"-
"Un défaut est un défaut. Les marchés le jugeront ainsi. Les investisseurs n'ont pas été payés. Ils s'en souviendront", commente Timothy Ash, analyste de Blue Bay Asset.
Cet économiste prévoit "un impact sur l'investissement, la croissance, le niveau de vie" entre autres. "Poutine appauvrit la Russie pour des années", conclut-il.
Autre chiffre choc du jour, les ventes de voitures neuves se sont effondrées de 62,9% en mars sur un an, symbole de tout un secteur mis aux abois, les Occidentaux ayant notamment banni les exportations vers la Russie de pièces détachées.
De nombreux producteurs arrêtent la vente de composants ou de voitures à la Russie, comme d'Audi, Honda, Jaguar, Porsche. D'autres arrêtent la production, comme Renault, BMW, Ford, Hyundai, Mercedes, Volkswagen.
Les usines d'Avtovaz (groupe Renault-Nissan), premier producteur de voitures en Russie, employant des dizaines de milliers de personnes, sont quasi à l'arrêt en raison d'une pénurie de composants importés.
Selon Avtostat, les prix des voitures neuves ont augmenté de 40% en mars, et jusqu'à 60% pour le haut de gamme.
L'agence de statistiques Rosstat a annoncé mercredi que l'inflation depuis le début de l'année à fin mars avait augmenté de près de 10% par rapport à la même période en 2021.
Alexeï Vedev, chercheur associé à l'institut Gaïdar de l'université Ranepa à Moscou, estime que la flambée des prix en mars sera aux alentours de 20% annuels, après avoir dépassé 9% en février sur un an. Ce chiffre est attendu vendredi.
"Ce fut un mois de panique chez les consommateurs", qui se sont rués vers des produits dont ils prévoient la disparition, note-t-il.
"C'est très cher, très cher", regrette dans un supermarché de Saint-Pétersbourg Oléssia Oguiéva, ouvrière de 42 ans. "On rentre à la maison, on regarde nos achats et on n'a rien acheté."
Selon Andreï Iakovlev, de la Haute école d'économie de Moscou, la véritable crise n'atteindra l'économie réelle que cet été ou cet automne: "en mai, un grand nombre d'entreprises sont susceptibles de s'arrêter", faute de composants importés, coûtant leurs emplois à des centaines de milliers de personnes.
D'autant que mercredi soir, Washington a annoncé une nouvelle volée de sanctions se voulant "dévastatrices" et visant notamment tous les nouveaux investissements en Russie.
I.Pesaro--IM