Des milliers d'Ukrainiens tentent de quitter les zones bombardées, le cap des deux millions de réfugiés franchi
Des milliers d'Ukrainiens tentaient mardi de quitter leurs villes bombardées ou encerclées par les forces russes, alors que le nombre de réfugiés ayant quitté le pays depuis le début de l'invasion a franchi les deux millions.
Des civils ont notamment commencé à évacuer mardi la ville ukrainienne de Soumy, bombardée la veille.
Au moins 21 personnes ont été tuées lundi soir dans des frappes aériennes russes contre cette ville située à 350 km au nord-est de Kiev, près de la frontière russo-ukrainienne, selon un nouveau bilan des autorités ukrainiennes.
Des dizaines de bus ont quitté mardi matin cette ville de quelque 250.000 habitants en direction de Lokhvytsia, à 150 km au sud-ouest, a indiqué le chef par intérim de l'administration régionale de Poltava Dmitry Lunin. Nourriture et médicaments devaient emprunter le chemin inverse pour les habitants restés dans la ville.
Le ministère ukrainien de la Défense a en revanche accusé les Russes de ne pas respecter un autre couloir humanitaire censé permettre d'évacuer quelque 300.000 civils coincés dans le port stratégique de Marioupol, dans le sud-est du pays, sur la mer d'Azov.
Des tentatives d'évacuation y ont déjà échoué à plusieurs reprises ces derniers jours.
"L'ennemi a lancé une attaque exactement en direction du couloir humanitaire", a dénoncé le ministère sur sa page Facebook. "Violation du cessez-le-feu!", a tweeté de son côté le ministère ukrainien des Affaires étrangères.
La Russie a annoncé lundi soir la mise en place mardi matin de couloirs humanitaires dans cinq métropoles particulièrement exposées, la capitale Kiev, Soumy, Marioupol, Kharkiv, deuxième ville du pays, et Tcherniguiv, après plusieurs tentatives similaires sans lendemain depuis vendredi.
Mais la plupart des voies d'évacuation passent par la Russie ou le Bélarus voisin, allié de Moscou, option inacceptable pour Kiev.
Ces tentatives de couloirs humanitaires, discutés lors d'un nouveau round de pourparlers russo-ukrainiens lundi, interviennent alors que sur le terrain, les forces russes continuent à se déployer autour de nombreuses villes ou intensifient leurs bombardements, au treizième jour de l'invasion russe, selon des responsables ukrainiens.
- "Plus d'eau, d'électricité" -
De violents combats ont aussi eu lieu dans la ville d'Izioum (est), mais les troupes russes ont battu en retraite, a affirmé l'état-major ukrainien. Les forces russes "ont fait régner la terreur dans la ville, en bombardant les locaux et les infrastructures civils", a-t-il ajouté.
Le ministère ukrainien de la Défense a par ailleurs affirmé que le général russe Vitali Guerassimov avait été tué près de Kharkiv, une information non confirmée à Moscou et invérifiable dans l'immédiat de source indépendante.
Selon le porte-parole de l’armée russe, Igor Konachenkov, les forces russes ont mis lundi hors d’état un aérodrome militaire au sud de Jytomyr, à 150 km à l'ouest de Kiev.
Dans l’est de l’Ukraine, les séparatistes prorusses de Lougansk se sont emparés de huit nouvelles localités et ceux de Donetsk contrôlent maintenant le "secteur d’Ossoviakhim" dans le nord de Marioupol, a-t-il ajouté.
A Boucha, aux portes de Kiev, les habitants essaient désespérément de quitter la ville. "Il y a des gens dans chaque appartement, chaque maison. Le plus important c'est de faire partir les enfants. Il y a beaucoup d'enfants et de femmes", a confié Anna à l'AFP.
"La ville est au bord de la catastrophe humanitaire. Il n'y pas plus de gaz, d'eau, d'électricité et la nourriture commence aussi à manquer", a-t-elle raconté.
A Irpin, l'AFP a aussi vu des centaines de personnes patienter, en file indienne, pour franchir à pied la rivière du même nom, sur des petits ponts de fortune faits de planches, de palettes en bois et de carcasses métalliques, en direction de Kiev, seule direction encore non occupée par l'armée russe.
"Je ne voulais pas partir, mais il n’y a plus personne dans les maisons autour, et plus d’eau, de gaz, ni d’électricité", a déclaré Larissa Prokopets, 43 ans. Elle s'est décidée à partir après plusieurs jours "cachée dans le sous-sol de (sa) maison", qui tremblait régulièrement sous l’effet des bombardements.
A Mykolaïev (sud), près d'Odessa, des queues de voitures de civils fuyant l'avancée des combats s'étiraient sur plusieurs kilomètres, alors que résonnent les tirs depuis la ligne de front dans la partie orientale de la ville, a constaté une autre journaliste de l'AFP.
Devant l'hôpital central de la ville, Sabrina, 19 ans, attend sa mère, avec un chien en laisse, un chat dans sa doudoune, et plusieurs sacs. "Nous allons quitter la ville le plus vite possible. Tous les jours il y a des bombardements, c'est terrifiant", dit-elle, ajoutant n'avoir aucune nouvelle de son mari au front.
L'hôpital local accueille les victimes de bombardements. "Les deux premiers jours, nous avons eu 160 soldats blessés, mais depuis quelques jours ce sont des civils qui arrivent, certains gravement blessés", a raconté Dmitri Sykorsky, chirurgien en chef.
Les forces ukrainiennes préparent une attaque pour reprendre les territoires proches de Mikolaïev occupés par les Russes, a affirmé le gouverneur de la région Vitali Kim. "Nous avons reçu des renforts, des gars avec des équipements. Nous allons commencer à libérer la région de Mikolaïev", a-t-il lancé.
L'invasion de l'Ukraine, plus grave conflit militaire en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, a provoqué l'une des plus graves crises humanitaires du continent.
Les Ukrainiens continuent à prendre massivement la route de l'exode. La guerre a déjà poussé plus de deux millions de personnes à se réfugier dans les pays voisins, a indiqué mardi l'ONU.
L'Europe peut s'attendre à recevoir cinq millions d'exilés si le bombardement des villes se poursuit, a estimé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les répercussions du conflit et des sanctions occidentales inédites adoptées par les pays occidentaux contre la Russie ne cessent de s'amplifier.
Le pétrole s'envolait à nouveau mardi: le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai prenait 3,34%, à 127,32 dollars.
A Londres, la cotation du nickel, utilisé notamment dans les batteries de voitures électriques, a été suspendue après avoir atteint les 100.000 dollars la tonne, en raison de craintes sur les approvisionnements russes.
Le président chinois Xi Jinping a appelé à "la plus grande retenue" dans le conflit ukrainien lors d'un appel avec les dirigeants français Emmanuel Macron et allemand Olaf Scholz, faisant part de sa "profonde préoccupation".
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L.Bernardi--IM