Portugal: cinq ans après l'incendie meurtrier, l'inquiétude reste palpable à Pedrogao Grande
Cinq ans après le feu de forêt de Pedrogao Grande dans le centre du Portugal, qui a fait une soixantaine de morts et quelque 250 blessés en juin 2017, les habitants s'inquiètent du risque d'une nouvelle catastrophe.
"Notre vie a changé pour toujours", confie à l'AFP Rui Miguel Rosinha, l'un des pompiers gravement blessés en 2017, lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes de l'incendie.
"Nous avons encore un long processus de récupération devant nous", ajoute cet homme de 44 ans, qui connaît aujourd'hui des difficultés pour se déplacer et dont les brûlures sont toujours visibles.
Le 17 juin 2017 restera gravé dans les mémoires des victimes. Ce jour-là, un incendie d'une rare violence a ravagé les environs de Pedrogao Grande, commune située dans la région de Leiria.
47 des 66 victimes sont décédées sur la nationale 236, surnommée la "route de la mort" par les médias portugais. Une trentaine d'entre elles ont été piégées dans leurs voitures, rattrapées par les flammes.
"Un ciel recouvert de nuages, une colonne de fumée, des températures élevées ... et je ne peux m'empêcher de penser à ce feu", raconte Daniela Alves, une mère de famille de 39 ans, encore aujourd'hui traumatisée par ces événements.
Lors de l'incendie, cette femme a juste eu le temps de fuir avec ses deux enfants.
Aujourd'hui, sur les routes qui mènent à Pedrogao Grande, le manque d'entretien est visible. Le paysage de forêts vallonnées se trouve à nouveau densément recouvert d'eucalyptus, une essence particulièrement inflammable. Cette espèce, devenue l'une des plus répandues du pays, constitue la matière première de l'industrie du papier.
- "Rien n'a vraiment changé" -
"On regarde autour de nous et on constate que rien n'a vraiment changé", regrette Dina Duarte, présidente de l'association des victimes de Pedrogao, qui a organisé vendredi une série de commémorations à l'occasion du 5e anniversaire de cette tragédie.
"Il faut planter différemment", explique-t-elle en appelant à l'introduction d'espèces autochtones comme le chêne-liège afin de créer une "biodiversité" dans les bois.
A l'échelle nationale, "très peu de choses ont changé", constate aussi Joao Joanaz de Melo, responsable d'un groupe d'études de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à la radio Observador.
"Il faut des modèles économiques nouveaux pour la forêt", souligne-t-il, car "aujourd'hui le paradigme, c'est de laisser l'intérieur du pays à l'abandon. La question de l'eucalyptus n'est pas résolue, beaucoup de zones où se trouvent des eucalyptus ne font l’objet d'aucune gestion".
Après l'incendie de Pedrogao Grande, réduisant en cendres plus de 24.000 hectares de végétation, le centre et le nord du Portugal ont été frappés quatre mois plus tard par une nouvelle vague de feux de forêt. Cette dernière a fait 45 morts supplémentaires, faisant de l'année 2017 la plus meurtrière de l'histoire du Portugal pour ce type de catastrophe.
"On a appris de ce qui s'est passé", a déclaré le président Marcelo Rebelo de Sousa, à l'issue d'une messe en hommage aux victimes. "Aujourd'hui, on est plus aptes à faire face à une situation similaire", a-t-il affirmé.
Un procès sans précédent s'est ouvert en mai 2021 sur l'incendie meurtrier de Pedrogao Grande. Onze personnes sont accusées d'homicide par négligence et plusieurs d'entre elles encourent des peines de prison ferme.
Parmi les accusés, figurent le commandant des pompiers de la commune, des élus locaux à l'époque des faits et plusieurs employés d'une société de distribution électrique ainsi que d'une entreprise responsable de l'entretien de la route nationale 236.
Le verdict de cette affaire, entrée dans sa dernière ligne droite le mois dernier avec le début des plaidoiries finales, est attendu le 13 septembre prochain.
P.Conti--IM