La justice française reconnaît le préjudice écologique d'atteinte à l'herbier de posidonie
Pour la première fois en France, le tribunal maritime de Marseille a reconnu la notion de préjudice écologique d'atteinte à l'herbier de posidonie et condamné vendredi deux capitaines de yachts ayant jeté l'ancre dans des zones interdites à de lourdes amendes.
"Cette décision de justice inédite contribue à l'efficacité de la politique de protection des herbiers de posidonie", cette plante endémique de Méditerranée qui sert de puits de carbone, nurserie pour poissons et protection contre l'érosion côtière, s'est réjoui la préfecture maritime de Méditerranée dans un communiqué.
La France interdit depuis 2020 le mouillage des yachts de plus de 24 mètres dans certaines zones de la Côte d'Azur et de la Corse, hauts lieux de la plaisance mondiale.
Les ancres des yachts, notamment quand on les relève, mais aussi le mouvement de leurs chaînes lors du mouillage, peuvent causer de véritables balafres sur des centaines de mètres à cette plante protégée depuis 1988.
Dans cette affaire, deux capitaines de yachts étaient poursuivis pour avoir mouillé en zones interdites.
Le premier yacht, le "Take off", pavillon maltais et capitaine hongrois, a jeté l'ancre illégalement au large de Cannes et Saint-Tropez (sud) entre 2021 et 2023. Le deuxième, "My Falcon", long de 51 mètres, battant pavillon des îles Caïmans et au capitaine turc, avait mouillé dans une zone interdite à Cannes en 2023.
Poursuivis au pénal, leurs capitaines avaient été respectivement condamnés à 20.000 euros d'amende et une interdiction de naviguer dans les eaux françaises pour le premier, Hongrois, et à 15.000 euros d'amende pour le second, Turc.
Mais deux associations de défense de l'environnement en Provence-Alpes Côte d'Azur, France Nature Environnement (FNE) et de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), avaient demandé que le préjudice écologique soit aussi pris en compte afin d'obtenir une réparation.
Les associations avaient retenu deux méthodes de calcul: l'une consiste en une estimation de la valeur des services écosystémiques rendus par l'herbier de posidonie, l'autre se base sur les coûts estimés de la restauration de cet herbier. Dans le premier cas, le préjudice avait été chiffré à 213.223 euros par les associations, dans le second à 246.875 euros.
Au civil, le tribunal maritime a retenu vendredi le préjudice écologique et condamné les capitaines des yachts à verser des indemnités de 86.537 euros pour celui du "Take Off" et à 22.423 euros pour celui du "My Falcon".
Cet argent ira à l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse pour mener des opérations de restauration écologique des herbiers de posidonie.
Les capitaines devront également payer 5.000 euros, pour le "Take Off", et 4.000 euros pour le "My Falcon", au titre de préjudice moral aux deux associations parties civiles.
"En reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique causé par les mouillages illégaux, les magistrat·es ont rendu aujourd’hui une décision d'importance en faveur de la préservation herbiers de posidonie, écosystème (...) fondamental pour le vivant marin et terrestre", s'est félicité la FNE.
Z.Bianchi--IM