L'UE renonce à son corset budgétaire en 2023 à cause de la guerre
Les règles de discipline budgétaire imposées aux Etats membres de l'UE, qui ne sont plus appliquées depuis mars 2020, resteront suspendues en 2023 en raison du choc économique provoqué par la guerre en Ukraine, a annoncé lundi la Commission européenne.
A période exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Pas encore remise du choc de la pandémie de Covid, l'économie européenne affronte une flambée des prix et un net ralentissement de sa croissance provoqués par le conflit militaire avec la Russie. Pour se donner de l'air, l'UE préfère renoncer à rétablir son corset budgétaire jusqu'à la fin de l'année prochaine.
"Nous proposons de maintenir en 2023 la clause de sauvegarde générale", qui permet de déroger temporairement aux limites de dettes et de déficits fixées par le Pacte de stabilité, a déclaré le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, lors d'une conférence de presse. "Cela offre des marges de manoeuvre aux politiques budgétaires nationales pour réagir rapidement en cas de besoin", a-t-il expliqué, tout en appelant à une gestion rigoureuse des deniers publics.
L'économie souffre de la flambée des prix des matières premières qui, au-delà de l'énergie, se propage aux tarifs de l'alimentation. Le conflit a également accru les problèmes des chaînes d'approvisionnement et augmenté l'incertitude tant pour les entreprises que pour les ménages.
La guerre et l'impact des sanctions contre la Russie ont poussé Bruxelles à réduire drastiquement la semaine dernière ses prévisions de croissance du PIB pour l'UE et la zone euro en 2022. Elle table désormais sur 2,7% contre 4% en début d'année et n'exclut pas une nouvelle détérioration.
Or, Bruxelles veut permettre des investissements massifs pour éliminer le plus vite possible la dépendance européenne au pétrole, gaz et charbon russes afin de ne plus financer l'effort de guerre de Moscou. La Commission a présenté jeudi un plan à 210 milliards d'euros pour financer de nouvelles infrastructures énergétiques. Dans ce contexte, impossible d'imposer aux comptes publics des limites trop strictes.
"Tous les Etats membres doivent promouvoir et développer l'investissement public pour la transition verte et numérique et pour la sécurité énergétique. Cependant, un contrôle strict des autres dépenses courantes est nécessaire", en particulier pour les pays les plus endettés, a souligné M. Dombrovskis.
- "Pression du Club Med" -
La Commission ne sévira pas à court terme, mais elle surveillera le respect de ses recommandations par les Etats membres. Les procédures pour déficit excessif, prévues par les règles européennes, ne seront pas activées, au moins jusqu'à une nouvelle évaluation prévue à l'automne puis au printemps prochain.
Le pacte de stabilité, qui limite les déficits publics à 3% et la dette à 60% du Produit intérieur brut (PIB), a été suspendu début 2020 en raison de la pandémie mondiale de Covid-19. Cela a permis aux 27 pays membres d'engager des dépenses exceptionnelles de soutien aux ménages et entreprises pour éviter un crash économique.
"Nous ne proposons pas un retour aux dépenses illimitées", a insisté lundi le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni, alors que Bruxelles tente de rassurer l'Allemagne et ses alliés "frugaux" d'Europe du Nord, fervents défenseurs de la rigueur budgétaire et inquiets de voir offrir un chèque en blanc aux pays du Sud, supposés plus dépensiers.
La décision de lundi a suscité des critiques. "Ne pas rétablir les règles budgétaires de l'UE en 2023 est une grave erreur, qui nous coûtera cher plus tard, a affirmé l'eurodéputé allemand Markus Ferber (PPE, conservateur). La Commission a cédé à la pression du Club Med. Il s'agit d'un nouveau clou dans le cercueil du pacte de stabilité et de croissance".
Bruxelles avait prévu de présenter en juin des propositions de réformes du pacte, à la demande de plusieurs pays dont la France qui le juge "obsolète", et un débat devait s'ouvrir dans la foulée.
Il sera retardé de "quelques mois" a annoncé lundi Valdis Dombrovskis. "La guerre en Ukraine nous a obligés à nous concentrer sur des mesures immédiates", ralentissant le travail sur cette réforme, a-t-il expliqué. Il a souligné la nécessité de trouver "un consensus" sur cette question qui divise les Etats membres.
L.Bernardi--IM