Moins d'annonces en ligne et de visites physiques: les agences immobilières en pleine crise locative
Des visites d'appartement 100% en ligne, des annonces publiées moins d'une heure sur internet, une gestion automatisée: face à un marché locatif très tendu dans plusieurs villes, particulièrement à Paris, les agences immobilières s'adaptent pour limiter les "frustrations".
Chez Pariscabane, agence immobilière parisienne indépendante, "on diffuse (les) annonces de location une heure", ce qui représente "une cinquantaine de sollicitations", la "limite" avant le "flot d'appels pas humainement gérable", indique son dirigeant Michael Corbier.
En laissant une annonce en ligne "2-3 jours ou une semaine, on s'est rendu compte que ce n'était pas gérable, on était appelé sans cesse, rappelé, harcelé", rapport-t-il.
A l'agence FredéLion Oberkampf, "le téléphone de la gestion locative est vite saturé, donc les appels se reportent sur le standard ou le téléphone des agents immobiliers spécialisés en transactions, ce qui est agaçant", témoigne Philippe Thomas.
En moyenne, une annonce d'appartement à louer à Paris attire 60 candidatures selon des données publiées mardi par Manda, une agence immobilière numérique, et calculées à partir des dossiers de location déposés pour les biens proposés par la plateforme.
Pour les petites surfaces, le nombre d'intéressés grimpe vite à des dizaines, voire des centaines: "notre record c'est 1.700 manifestations d'intérêt cumulées" pour une même annonce, rapporte Corinne Bérec, vice-présidente du réseau d'agences Orpi et à la tête de plusieurs agences en région parisienne.
Impossible pour ses équipes de "traiter une telle demande", encore moins de "rappeler chacun", ce qui "génère de la frustration".
- Des jeunes bloqués -
Ailleurs en France, le nombre moyen de dossiers de candidatures déposés par annonce locative est de 29 à Lyon, 19 à Marseille, 17 à Bordeaux et 16 à Rennes, selon Manda.
"Les tensions extrêmement fortes persistent sur la location", souligne Eytan Koren, président de Manda, et provoquent une "moindre mobilité" des locataires, voire "des jeunes qui n'osent même plus candidater tellement le marché est tendu".
La faute à plusieurs facteurs: moins de logements se libèrent car moins de ménages sont devenus propriétaires ces deux dernières années, l'investissement locatif n'a plus la cote et la construction tourne au ralenti.
A Paris, le nombre de logements à louer a été divisé par deux en trois ans, selon SeLoger.
De l'autre côté, la baisse du nombre d'habitants par logement et l'arrivée de nombreux étudiants soutiennent une demande très forte.
Pour Orpi, la solution trouvée est de sous-traiter la gestion des demandes liées aux annonces en ligne à une start-up, qui va s'occuper de recueillir les dossiers, remplir les créneaux de visites et répondre à tout le monde au moins par courriel, y compris de façon négative.
C'est aussi une méthode répandue parmi les agences immobilières en ligne, comme Manda et Imodirect qui automatisent la gestion des demandes de locataires.
- 100% en ligne -
Plus simpliste, Frédéric Fleury, directeur de plusieurs agences du réseau Laforêt situées dans l'est parisien, se dispense parfois de publier une annonce en ligne. Il préfère proposer des visites aux clients déçus qui avaient déposé des dossiers de locataires pour un autre bien immobilier du même type.
"On essaie de s'adapter du mieux qu'on peut, mais c'est très compliqué de gérer la frustration", affirme-t-il.
Quant à Foncia, le premier gestionnaire de biens locatifs en France, le groupe a "de plus en plus digitalisé le parcours de location", explique son directeur des opérations Laurent Soulier.
En plus de la prise de contact en ligne, Foncia propose désormais des visites virtuelles de certains logements, à l'issue desquelles un bail peut être signé, sans s'être rendu physiquement dans le logement.
Le cadre assure que "cela fait gagner du temps à tout le monde", aux agents immobiliers comme aux personnes qui n'habitent pas la ville où ils cherchent un logement, notamment les étudiants.
Cette offre "était ciblée pour les étudiants au départ, mais on s'aperçoit qu'il y a de la demande ailleurs", indique Laurent Soulier.
Et pour les personnes qui veulent absolument voir l'appartement, "c'est toujours possible mais il y a le risque le bien ait déjà été loué en digital".
R.Marconi--IM