Treize ans après l'accident du vol IY626, le procès de la Yemenia Airways s'est ouvert à Paris
Le procès pour homicides et blessures involontaires de la compagnie Yemenia s'est ouvert lundi à Paris, près de treize ans après le crash d'un avion au large des Comores qui avait tué 152 personnes et laissé une unique rescapée âgée de 12 ans.
Bahia Bakari a survécu en restant agrippée en mer pendant onze heures à un débris, avant d'être secourue par des pêcheurs.
Elle a refusé de s'exprimer devant la presse avant l'audience, déclarée ouverte peu après 13h30 par la présidente, qui a ensuite égrainé les noms des 152 morts.
Aux côtés de Bahia Bakari dans la salle principale ont pris place près d'une centaine de proches des victimes.
Pour ceux n'ayant pu entrer, deux salles de retransmission ont été ouvertes dans l'enceinte du tribunal judiciaire, alors qu'une partie du procès est retransmise à Marseille pour ceux, nombreux, qui résident dans la région.
Face aux parties civiles, le banc des prévenus est resté vide: aucun représentant de la compagnie nationale yéménite n'est présent à l'audience, à cause de la guerre qui déchire le pays.
Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, le vol Yemenia 626 s'était abîmé au large des Comores, juste avant son atterrissage à Moroni, avec à son bord 11 membres d'équipage et 142 passagers, dont 66 Français.
Pendant quatre semaines, la justice française va examiner des soupçons de "manquements et négligences" de la Yemenia Airways, qui opérait le vol.
La compagnie, qui conteste les faits, encourt 225.000 euros d'amende.
"Treize ans, c'est long: c'est épuisant psychologiquement et moralement et même physiquement", a confié à l'AFP Saïd Assoumani, président de l'association des victimes. "Mais après treize ans d'attente et d'impatience, enfin le procès pénal est là".
- "Perte de contrôle" -
Les boîtes noires avaient été repêchées quelques semaines après le crash, le plus grave de l'histoire de l'archipel des Comores, entre le Mozambique et Madagascar, mais l'enquête est longtemps restée enlisée.
Les autorités françaises ont un temps reproché à leurs homologues comoriennes leur non-coopération, tandis que les familles des victimes ont accusé le Yémen de faire pression pour empêcher la mise en cause de sa compagnie.
L'instruction a finalement conclu que l'état de l'appareil, un Airbus sorti d'usine en 1990, n'était pas en cause, ni la météo, la foudre ou un missile.
Selon les expertises, fondées en particulier sur les enregistreurs de vol, l'accident est dû aux "actions inadaptées de l'équipage dans le cadre de l'approche de l'aéroport de Moroni, conduisant à la perte de contrôle de l'avion".
"Au-delà de ces dramatiques erreurs imputables aux pilotes", la Yemenia a toutefois "failli à bien des égards", ont estimé les magistrats instructeurs.
Ils lui reprochent d'avoir maintenu les vols de nuit pour Moroni, malgré les pannes de longue date des feux de balisage de l'aéroport, ainsi que des "insuffisances" dans la formation des pilotes, qualifiée de "lacunaire".
- "Avions-poubelles" -
"La Yemenia reste profondément marquée par cette catastrophe, en particulier pour les victimes, néanmoins elle proteste de son innocence en indiquant qu'elle n'est nullement responsable des faits qui sont intervenus", soutient son avocat Me Léon-Lef Forster.
"Il y a eu des dysfonctionnements, mais qui ne lui sont pas imputables et qui apparaîtront lors de l'audience", assure-t-il.
La jeune miraculée, qui a perdu sa mère dans le crash, doit témoigner le 23 mai.
Le procès sera aussi celui "des +avions poubelles+, le procès des manquements, de l'irresponsabilité, qui font que, avec la course aux profits, on arrive à des drames", veut croire M. Assoumani.
Les passagers français avaient embarqué à Paris et Marseille avant de changer d'avion à Sanaa, au Yémen. Au moment de l'accident, les conditions de voyage entre la France et les Comores, via le Yémen, étaient dénoncées de longue date par des passagers.
L'absence de représentant de la compagnie "ne pourra laisser aux familles et à la victime survivante qu'un goût amer", estime Me Sébastien Busy, avocat de l'association Fenvac, partie civile.
H.Gallo--IM