Après le choc sanitaire, l'économie française connaît un rebond record de 7% en 2021
L'activité économique française a nettement rebondi en 2021, avec une croissance de 7%, du jamais vu depuis 52 ans mais qui intervient après la récession historique subie en 2020 à cause de la crise sanitaire.
Cette première estimation, publiée vendredi par l'Insee, dépasse les prévisions des économistes, comme celles de l'Institut national de la statistique et des études économiques et de la Banque de France.
La dernière fois que l'économie française avait fait mieux, c'était en 1969 juste après la crise provoquée par le mouvement de mai 1968.
"C'est un rebond spectaculaire", qui "efface la crise économique" après la chute du PIB de 8% en 2020, s'est félicité le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur France 2.
Sur le quatrième trimestre, l'activité "dépasse désormais nettement" son niveau d'avant-crise sanitaire, souligne l'Insee. "Ca prouve aussi que la politique économique du gouvernement est efficace", a défendu M. Le Maire, quand de nombreux ministres ont vanté sur les réseaux sociaux la performance de l'économie française.
Au total, l’État aura encore dépensé l'an dernier un peu plus de 60 milliards d'euros, au prix d'un déficit public qui devrait encore avoisiner les 7% du PIB et d'une dette publique autour de 113%.
Avec une telle croissance, la France devrait connaître une des meilleures performances de la zone euro, à la mesure toutefois de l'ampleur du choc subi l'année précédente.
La croissance du PIB a plafonné en Allemagne à 2,8% l'an dernier (-4,9% en 2020). Elle a atteint 5% en Espagne (-10,8% en 2020).
Si l'économie française a connu une progression lente en début d'année, marquée par la troisième vague de l'épidémie et des restrictions encore importantes, elle a fortement accéléré à partir de l'été, avec un ralentissement toutefois à 0,7% au dernier trimestre, au moment de la quatrième vague du Covid.
- La crise "pas encore absorbée" -
Sur le front de l'emploi, la France a vu le nombre de chômeurs descendre à son plus bas niveau depuis près de dix ans au dernier trimestre, selon des chiffres publiés cette semaine.
"C'est clairement un rebond très dynamique, on aurait difficilement pu l'espérer au début de l'année 2021", avance Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.
De là à dire que la crise est effacée, comme le ministre de l'Economie? "On ne peut pas aller jusque-là. Bien sûr, l'économie française a retrouvé son niveau d'avant-crise, on est 0,9% au-dessus. Mais on n'a pas effacé le choc, on a appris à rebondir, et on voit que l'économie doit apprendre à vivre avec les déséquilibres globaux que le choc a engendrés, l'inflation et les perturbations des chaînes de production", ajoute-t-elle.
Sur 2021, le PIB reste ainsi "1,6 % en deçà de son niveau moyen en 2019", précise l'Insee. Certains secteurs, comme le tourisme, les transports ou l'hôtellerie-restauration sont restés pénalisés par les restrictions.
"La crise n’est pas encore absorbée", résume donc Philippe Waechter chef économiste chez Ostrum Asset management, soulignant dans une note que pour combler l'écart avec le rythme de croissance d'avant-crise, il faudrait une croissance de 5% en 2022.
- Inflation et pouvoir d'achat -
La consommation des ménages n'a ainsi renoué avec son niveau d'avant-crise qu'à la toute fin de l'année. "La reprise a surtout été tirée par les dépenses publiques et l'investissement, ce dernier étant aussi lié aux aides de l'Etat comme les prêts garantis et le fonds de solidarité", estime Selin Ozyurt, économiste chez Euler Hermes.
Pour 2022, le gouvernement table sur une croissance de 4%, quand la Banque de France prévoit 3,6%.
C'était avant que la vague Omicron ne frappe le pays, mais le gouvernement se veut optimiste: "Je ne redoute pas les effets d'Omicron" sur la croissance, avait assuré Bruno Le Maire mercredi.
"L'effet d'Omicron sera limité", abonde Selin Ozyurt, l'absentéisme et la désorganisation du travail que le variant engendre pouvant "se rattraper si la vague n'est pas trop longue".
L'autre risque majeur pour l'économie reste l'inflation, à 2,8% sur un an en décembre, poussée par l'énergie. Elle pourrait peser sur le pouvoir d'achat des ménages, freiner leur consommation, sans parler du risque social.
Ces dernières semaines l'exécutif a encore déployé plus de 15 milliards d'euros pour en limiter ses effets et le sujet s'impose comme la première préoccupation des Français à moins de trois mois de l'élection présidentielle.
Le député insoumis du Nord Adrien Quatennens a ainsi considéré que "la croissance pour la croissance mérite d’être interrogée", à l'heure où "la France est en situation d’urgence sociale".
Le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a lui pointé une croissance "inégalement répartie" qui "ne profite pas à tout le monde".
L.Bernardi--IM