Berlin choisit les chasseurs F-35, coup dur pour le futur avion européen
L'Allemagne a décidé de remplacer sa flotte vieillissante de chasseurs Tornado par des F-35 furtifs américains et des Eurofighter, un choix qui envoie un mauvais signal au projet de futur avion de combat européen (SCAF) déjà mal en point.
Il est "correct" que Berlin a l'intention d'acquérir jusqu'à 35 avions F-35 et 15 Eurofighter, a indiqué lundi une source parlementaire à l'AFP sous couvert de l'anonymat, confirmant des informations de médias allemands.
Le principe de cette décision a été communiquée à des parlementaires de la Commission de la Défense du Bundestag, dont certains se réunissent en fin d'après-midi sur le sujet.
La question du remplacement des Tornado, vieux de plusieurs décennies et dont les coûts de maintenance explosent, occupe de longue date la classe politique allemande.
Mais avec l'invasion en cours de l'Ukraine par la Russie, l'heure n'est plus au débat.
Dans un discours au Bundestag fin février, le chancelier social-démocrate Olaf Scholz avait souligné le besoin de remplacer à court terme les Tornado devenus "obsolètes", ajoutant déjà que le F-35 entrait en considération.
C'est à cette occasion qu'il avait annoncé un changement radical de la politique de sécurité allemande, illustré par une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d'euros pour moderniser son armée et des dépenses chaque année d'au moins 2% de son PIB dans la défense. Soit plus que ce que demande l'Otan.
- Synergies -
Le F-35 fabriqué par l'Américain Lockheed Martin est considéré comme l'avion de chasse actuellement le plus performant. Il coûte cher: l'armée américaine avait passé une commande au prix de 145 millions d'euros par pièce.
Grâce à sa forme et à un revêtement spécifique de sa surface, l'appareil est difficilement détectable par les capteurs radar ou infrarouge.
Les avions serviront pour Berlin principalement à transporter les missiles nucléaires américains dans le cadre des opérations de dissuasion de l'Otan, tandis que les Eurofighter doivent prendre en charge surtout des opérations de brouillage électronique de systèmes de défense anti-aérien.
Côté allemand, le choix est notamment motivé par un effet de synergies au sein de l'Alliance atlantique.
"Nous devons acquérir le F-35, l'avion de chasse le plus moderne du monde et utilisé par de nombreux partenaires", au sein de l'alliance a récemment pointé Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la Commission défense au Bundestag et membre du parti libéral FDP qui appartient à la coalition gouvernementale.
Les Etats-Unis disposent en Europe d'armes nucléaires dans le cadre de l'Otan, entreposées notamment en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie et en Allemagne, à Büchel, dans le Sud-Ouest du pays, où se trouve une base de la Luftwaffe.
En Allemagne, leur présence a régulièrement été un sujet de discorde dans un pays profondément pacifiste.
Il y a à peine deux ans, de hauts responsables du SPD s'étaient encore déclarés opposés à l'acquisition de chasseurs de remplacement chargés de transporter ces armes nucléaires.
- "Priorité absolue" -
La commande prévue par l'Allemagne n'augure rien de bon pour le projet franco-germano-espagnol SCAF (Système de combat aérien du futur) qui doit remplacer à l'horizon 2040 les avions de combat Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnol.
L'acquisition de ces F-35 pourrait en effet "supprimer" le besoin d'un nouveau chasseur européen à horizon 2040 pour l'Allemagne, pourtant l'objectif du projet européen SCAF, se sont récemment alarmés des députés français dans un rapport parlementaire.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a toutefois voulu écarter ces craintes fin février, estimant qu'à long terme, le projet d'avion européen était une "priorité absolue".
Mais il faudra encore que les industriels s'accordent, faute de quoi il risque d'être, à tout le moins, reporté.
Pierre angulaire du projet d'Europe de la défense, le SCAF est en effet depuis plusieurs mois dans la tourmente, en raison de rivalités quant à la répartition du travail entre le Français Dassault et Airbus, qui représente les intérêts allemands et espagnols.
L.Marino--IM