Des organisations pro-IVG dénoncent la censure en ligne de Meta
Comptes bloqués, publications masquées, référencement dégradé: depuis l'élection de Donald Trump, plusieurs organisations américaines d'information sur la pilule abortive dénoncent une censure en ligne grandissante sur les réseaux sociaux, qui entrave leur mission à destination des femmes.
Ces organisations de défense des droits reproductifs et sexuels accusent Meta d'invisibiliser leur activité sur ses réseaux sociaux Instagram et Facebook, alors que son patron Mark Zuckerberg se pose en défenseur de la liberté d'expression.
Meta a confirmé à l'AFP que plusieurs organisations, parmi lesquelles Aid Access, Women Help Women et Plan C, ont connu des problèmes d'une importance variable avec leur contenu.
"Ces groupes ont rencontré à la fois une modération normale et une série de dysfonctionnements, dont une modération excessive et un bug technique", reconnaît un porte-parole de Meta, en citant, en exemple de modération conforme, l'interdiction de vente de médicaments sans certification appropriée.
"Nous avons été très clairs ces dernières semaines sur le fait que nous voulions favoriser la liberté d'expression et limiter les erreurs de modération - et nous sommes déterminés à le faire", insiste-t-il.
Néanmoins les comptes en question n'ont été rétablis qu'après que l'AFP et d'autres médias ont contacté Meta à ce sujet, si bien que les organisations concernées attribuent ce revirement à la pression médiatique.
- Administration anti-IVG -
Certains voient dans le rapprochement récent entre Donald Trump et Mark Zuckerberg - le second a assisté en bonne place à l'investiture du premier - le signe d'un possible alignement sur les positions anti-avortement du nouveau gouvernement Trump.
Dès ses premiers jours au pouvoir, le républicain a suspendu l'accès à un site gouvernemental d'information sur les droits sexuels et reproductifs, et révoqué des décrets signés par son prédécesseur démocrate Joe Biden, qui sécurisaient notamment l'accès à la pilule abortive et les données personnelles des femmes ayant recours à l'IVG. Des financements américains à destination d'organisations étrangères ont également été coupés.
"Meta dit vouloir revenir aux racines de la liberté d'expression, mais pour l'instant, il est difficile de dire exactement qui va pouvoir exercer pleinement ce droit", s'interroge auprès de l'AFP Jane Eklund, autrice d'un rapport d'Amnesty International sur la censure autour de l'avortement.
"Il faut attendre de voir comment" les magnats de la tech "vont essayer d'être dans les petits papiers de la nouvelle administration. C'est un sujet de préoccupation", ajoute-t-elle.
"C'est début janvier qu'on a remarqué pour la première fois" des pages bloquées sur Instagram et Facebook, raconte à l'AFP la médecin néerlandaise Rebecca Gomperts, fondatrice d'Aid Access, qui propose des pilules abortives sur internet - enjeu crucial pour les Etats-Unis où près de la moitié des Etats ont interdit ou limité le recours à l'avortement depuis l'annulation de la garantie fédérale par une décision historique de la Cour suprême en 2022.
- Expressions codées -
Elles ont ensuite été restaurées, mais certaines publications sont restées masquées, précise-t-elle.
Les femmes "doivent recevoir l'aide dont elles ont besoin, un point c'est tout", martèle Rebecca Gomperts.
Women Help Women a elle vu son compte Instagram bloqué en décembre, comme le compte publicitaire Meta de Plan C, organisation américaine qui informe sur l'utilisation à domicile de la pilule abortive.
"Sans préavis, sous prétexte qu'il ne respectait pas les normes communautaires", explique une des responsables de Women Help Women, Lucia Berro Pizzarossa.
"Ce compte permet d'apporter à des milliers de personnes des informations scientifiques et des messages combattant la stigmatisation autour de l'avortement. Les moteurs de recherche ont relégué plus bas notre site internet et un mécanisme nous a invisibilisés sur les réseaux sociaux, compliquant l'accès en temps utile à des ressources fiables", se désole-t-elle auprès de l'AFP, inquiète pour l'avenir.
Pour cette fois, les comptes un temps suspendus ont été réactivés.
Les défenseurs de l'accès à l'avortement craignent ainsi que cette invisibilisation en ligne ne perpétue la stigmatisation des personnes souhaitant se renseigner sur l'IVG, qui doivent parfois recourir à des expressions codées ou des mots à l'orthographe truquée pour contourner les mesures de modération automatisées sur les plateformes.
H.Giordano--IM