Téléthon: Sacha, 8 ans, "super-héros" de la recherche sur la myopathie
"Le voir faire des bêtises, c'est un vrai bonheur", dit sa mère, lorsque Sacha, huit ans, saute du canapé.
Ce fan de Captain America est un "super-héros": promis au fauteuil roulant en raison d'une myopathie, il teste une thérapie génique qui lui a redonné ses muscles.
"Avant, il ne pouvait pas espérer faire ça", dit avec un sourire radieux Hélène Wilhelm, 35 ans.
Avec Sacha, sa petite soeur de quatre ans, Albane, et leur père, Edouard, ils sont l'une des familles ambassadrices du 38e Téléthon (29 et 30 novembre).
"La maladie emblématique du Téléthon, c'est la myopathie de Duchenne dont souffre Sacha: elle a été à l'origine de la création de l'AFM, l'Association française contre la myopathie en 1958", rappelle à l'AFP Serge Braun, son directeur scientifique. "On est à un moment charnière: on a enfin un traitement qui pourrait changer le cours de cette maladie jusqu'ici réputée incurable".
A voir Sacha courir et pédaler avec ardeur sur son vélo, on ne l'imagine pas atteint de cette grave maladie génétique qui "touche un garçon sur 3.000 en France, dès l'âge de deux-trois ans", précise son neuropédiatre, Vincent Laugel.
Celle-ci "détruit petit à petit les muscles: les enfants perdent la capacité à marcher, puis à respirer.
Elle abîme aussi le coeur", décrit le responsable pédiatrique du centre de référence des maladies neuromusculaires au CHU de Strasbourg. "On essaye d'aider leur nutrition, leur respiration, de limiter les conséquences orthopédiques... mais il n'y a pas de traitement curatif".
Elève de CE2 bilingue français-allemand, le blondinet, qui adore lire et faire le clown, enchaîne les séances de kiné et prend, probablement à vie, des corticoïdes qui ont ralenti sa croissance.
Mais depuis fin 2022, Sacha défie le destin: la recherche financée par le Téléthon lui a donné accès à un médicament pionnier, comme un Lillois et un Londonien, qui leur a permis de reconstituer du muscle, sans effets secondaires importants.
Cinq enfants au total (deux ont reçu une dose plus faible) de six à 10 ans sont soumis depuis à une foule de tests, cardiaques, prises de sang, mesure de force...
- Trois mois d'isolement -
Sélectionnés sur une quarantaine de critères pour minimiser les risques, ils ont reçu, inséré dans "un virus banal", un "gène-médicament" qui "aide à produire la dystrophine, une protéine permettant aux muscles d'être solides, qui manque à ces enfants malades", détaille Vincent Laugel.
"Pour l'instant, ils vont mieux. Ce sont vraiment trois astronautes: ils sont partis en exploration dans un terrain inconnu, en acceptant de prendre ce risque, même s'il est calculé. Ils sont des super-héros et ils le savent".
Embarquée, la famille a dû s'isoler trois mois avant l'injection, pour empêcher que le garçon, dont les défenses immunitaires allaient chuter, ne contracte de virus.
"J'ai arrêté de travailler, Albane d'aller en crèche, Sacha d'aller à l'école: comme je suis maîtresse, je faisais la classe. Leur papa, qui a continué à travailler, portait un masque FFP2. Il ne mangeait pas avec nous. Il ne dormait pas avec moi", retrace Hélène.
"Mais on était tellement heureux qu'en fait, on aurait tout supporté. C'étaient de beaux efforts à faire", dit-elle. "On voit la vie autrement", ajoute son mari.
Présenté lors de deux congrès médicaux, ce traitement pionnier sera administré au premier trimestre 2025 à une soixantaine d'enfants en France, aux Etats-Unis et au Royaume-uni, avec pour objectif une commercialisation en "2027, 2028", indique Serge Braun. Il vaut, actuellement, plusieurs centaines de milliers d'euros.
Mais les enfants ayant déjà rencontré le virus utilisé comme vecteur - comme 30% de la population - et développé des anticorps ne pourront pas en bénéficier.
Aux Etats-Unis, les sociétés Solid Biosciences et Regenxbio mènent leurs propres essais cliniques de thérapie génique pour cette maladie.
Une troisième, Sarepta, a été autorisée à commercialiser son traitement sur le marché américain, pour certains enfants.
Sacha est "l'héritier de 40 ans de recherche où chaque jour, des chercheurs se sont mis face à leur paillasse, ont rempli leurs éprouvettes: on est tellement reconnaissants de pouvoir profiter de la vie grâce à ceux qui se sont battus avant nous", affirme Hélène Wilhelm.
"J'arrive mieux à marcher, à courir, à monter les escaliers... tout ça", résume le petit garçon, qui va bientôt se remettre au karaté.
I.Barone--IM