Agression sexuelle: prison ferme pour Boutonnat, qui démissionne du CNC
Le président du Centre national du cinéma (CNC), Dominique Boutonnat, a été condamné vendredi par le tribunal correctionnel de Nanterre à trois ans de prison dont un an ferme pour avoir agressé sexuellement son filleul en août 2020, décision à la suite de laquelle il a annoncé sa démission.
Il devra effectuer sa peine de prison ferme à domicile avec un bracelet électronique, a précisé le tribunal.
Dans son jugement, le tribunal a considéré la version du plaignant "plus crédible" que celle du patron du CNC, qui a exercé "un véritable ascendant" sur son filleul dans "un contexte", une soirée d'été alcoolisée en Grèce, "dans lequel il était compliqué de résister" au prévenu.
Le tribunal a aussi estimé que les explications de M. Boutonnat, 54 ans, "n'avaient pas forcément de rationalité" et "pouvaient prêter à confusion et laisser entendre que des deux", il était "celui qui avait le plus d'intérêts à ce que les choses ne soient pas dites".
Dominique Boutonnat a également été condamné à une interdiction de contact pendant trois ans avec la victime.
Dans un courriel envoyé par le secrétariat de la présidence du CNC juste après le jugement, M. Boutonnat a tenu "à réaffirmer son innocence quant aux faits qui (lui) sont imputés" et a annoncé interjeter appel de cette décision.
Décidant "de cesser l'exercice" de ses "fonctions à compter d'aujourd'hui (vendredi)", il en a "averti" Rachida Dati, ministre de la Culture, qui a confié "l'intérim de la présidence du CNC à son actuel directeur général délégué, Olivier Henrard".
- Démission -
"Cette affaire est la parfaite démonstration de ce qu'est une agression sexuelle", a estimé Me Caroline Toby, avocate de la victime, saluant cette décision.
"L'abus d'autorité et la notion d'emprise ont été reconnus par la justice", a-t-elle encore réagi.
Lors de l'audience du 14 juin, le parquet avait requis trois ans d'emprisonnement avec sursis contre M. Boutonnat.
"On est allé très près de quelque chose qui aurait été criminel", avait estimé le procureur. Devant le tribunal, le jeune homme avait décrit M. Boutonnat, avec qui il n'a pas de lien de parenté, comme "plus qu'un parrain", qui venait trois à quatre fois par semaine au domicile de ses parents.
Selon lui, lors d'un séjour dans la maison de campagne de son parrain en Grèce, ce dernier a tenté de le masturber, après un bain nus dans une piscine, et il l'a ensuite masturbé pour qu'il arrête de le toucher.
"Je le regarde pour retrouver un peu mon parrain et c'est là que je vois quelqu'un de tout à fait différent dans ses yeux, (...) c'est quelqu'un en train de m'utiliser pour se masturber", a-t-il expliqué.
Pour sa part, le président du CNC avait nié toute agression sexuelle. Il avait reconnu des baisers mais consentis et initiés par son filleul, et fait valoir qu'il avait brièvement embrassé le jeune homme sur la bouche le lendemain, alors que ce dernier sortait de la salle de bain, pour dédramatiser la situation.
Lors de l'audience, il avait été longuement interrogé sur des messages WhatsApp envoyés à son filleul après les faits, où il disait s'en vouloir et avoir voulu le "challenger sur sa sexualité".
Le tribunal a "pris en compte" ces messages, dans lesquels "vous ne cessez de dire que vous prenez la responsabilité des choses qui se sont passées", et que dans ces échanges, son filleul "ne cesse de faire part de son mal-être" et qu'il n'était pas d'accord avec "ce qu'il s'était passé", ont estimé les juges.
Malgré sa mise en examen en février 2021, Dominique Boutonnat avait été reconduit par l'exécutif à son poste à la tête du CNC en juillet 2022.
La CGT-spectacle avait appelé à sa démission en octobre 2022, et le collectif 50/50, qui milite pour l'égalité, la parité et la diversité dans l'industrie cinématographique et audiovisuelle, avait déploré sa reconduction.
La réalisatrice Amandine Gay, membre de ce collectif, a exprimé sur X son "soulagement" pour toutes celles et ceux qui demandaient "le retrait de Boutonnat" du CNC.
E.Mancini--IM