Il Messaggiere - Charles, vieux roi mal aimé et homme de passions

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Charles, vieux roi mal aimé et homme de passions
Charles, vieux roi mal aimé et homme de passions / Photo: Jane Barlow - POOL/AFP/Archives

Charles, vieux roi mal aimé et homme de passions

Très différent de sa mère Elizabeth II, beaucoup moins populaire, le nouveau roi a des idées arrêtées sur de nombreux sujets, homme de passions qui ont suscité parfois l'admiration et souvent les critiques.

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Il monte sur le trône à 73 ans entrant ainsi dans l'histoire comme le monarque britannique le plus âgé au début de son règne.

Depuis presque 70 ans que Charles attendait ce moment – un record pour un prince héritier - il est plus que prêt. Les inaugurations, les remises de médailles, les dîners d’Etat, les voyages et les garden parties n’ont plus de secret pour lui. Il a voyagé dans près de cent pays, rencontré beaucoup des grands de ce monde, serré des millions de mains.

"C’est un bon professionnel de la monarchie", estime Michel Faure, auteur d'une biographie du prince Charles. "Il sera un roi plutôt bienveillant (...) mais très différent de sa mère".

Beaucoup ne connaissent guère de lui que son divorce fracassant avec la princesse Diana et la tragédie de sa mort qui avait failli lui coûter la Couronne, son engagement de longue date contre le changement climatique et ces rumeurs dont se régalent les tabloïds : un valet déposerait le dentifrice sur sa brosse à dents, un autre repasserait ses lacets.

On lui préparerait sept œufs à la coque pour être sûr que l’un trouve grâce ses yeux, et il a porté une redingote de 1984 pour le mariage de son fils Harry avec Meghan Markle en 2018 : ce qu’il a lui-même confirmé de sa voix feutrée, expliquant qu’il n'aimait pas jeter et rentrait encore dedans.

Charles, Philip, Arthur, George devient héritier du trône à 3 ans et 3 mois lorsque sa mère de 25 ans devient reine en février 1952. A 4 ans et demi, il assiste à son couronnement à l’abbaye de Westminster entre sa grand-mère et sa tante Margaret.

A 9 ans, sa mère lui confère le titre de prince de Galles.

Aîné de quatre enfants, il grandit, timide et solitaire, confié à des nourrices et une gouvernante, puis envoyé très jeune en internat, notamment au pensionnat très strict de Gordonstoun en Ecosse. Il étudie ensuite l’anthropologie, l'archéologie et l’histoire à l’université de Cambridge.

Mais son titre crée une distance inévitable avec ce prince introverti et gauche, aux oreilles décollées.

Il est couronné Prince de Galles par sa mère en juillet 1969 lors d'une cérémonie télévisée grandiose, accomplit son devoir militaire de 1971 à 1976 dans l'armée de l’air et la marine, avant de se consacrer pleinement à ses obligations de prince héritier : un rôle indéfini, "chargé de soutenir la reine pour assurer le rayonnement de la monarchie".

Il a géré au mieux cette vie passée à attendre, avec des passions parfois déroutantes, parfois visionnaires.

En 1976 il créé sa première organisation caritative, le Prince’s Trust, qui a depuis aidé plus d’un million de jeunes en difficulté. D'autres suivront, pour lesquelles le prince a récolté des millions de livres pour soutenir les causes qui lui sont chères, l’écologie, l'architecture, l’éducation.

Il est au total président ou bienfaiteur de plus de 420 organisations caritatives.

- Mariage sans amour -

Après quelques marivaudages et les années passant, l’héritier de la Couronne accepte en 1981 d'épouser sans amour lady Diana Spencer, aristocrate vierge de 19 ans, avec laquelle il aura deux fils, les princes William et Harry, avant de retourner, une fois son devoir accompli, dans les bras de son amour de jeunesse Camilla Parker Bowles, à l’époque mariée à un autre.

Le couple de Galles se déchire par tabloïds et livres interposés pendant des années, fait trembler la monarchie et se sépare officiellement en 1992. Leur divorce finalisé en 1996 vire à la tragédie nationale avec la mort de la princesse Diana en août 1997 à Paris, alors qu’elle était poursuivie par des paparazzis. Charles voit sa cote de popularité s’effondrer à 4%.

Le prince déprime mais s’accroche. Une campagne de communication bien menée va redorer lentement son blason. Il promet de ne pas se remarier et suit pour une fois les recommandations de ses conseillers, ne se montrant pas en public avec Camilla. Mais il n’a qu’un but : la faire accepter.

Inimaginable quelques années plus tôt, la reine finalement consent à son remariage lors d’une cérémonie civile en 2005, à laquelle elle ne vient pas, organisant cependant une réception pour les mariés.

Les Britanniques sont sensibles à cette obstination amoureuse. Petit à petit sa côte de popularité remonte, même si les années Diana n'ont jamais été oubliées.

Le prince Charles était à 54% d’opinions favorables en août 2021, selon un sondage YouGov, loin derrière la reine (80%), le prince William (78%) sa belle-fille Kate Middleton (75%) ou sa sœur la princesse Anne (65%). Camilla, duchesse de Cornouailles depuis leur mariage, plafonnait à 43%.

Avec les années, ses cheveux ont blanchi, son teint s'est fait plus rouge. Toujours impeccablement habillé, Charles s'est aussi détendu, plaisantant volontiers en public.

Homme de convictions, il ne les cache pas.

- Prince activiste -

Depuis des années, il insiste sur l’urgence face au réchauffement climatique. Il défend l'agriculture biologique, les médecines douces, les circuits courts.

Depuis 2007, il publie son empreinte écologique (3.133 tonnes de CO2 en 2020 contre 5.070 en 2019). Et plante des arbres auxquels il parle.

Dès 2008, il propose un fonds mondial pour lutter contre la destruction des forêts tropicales.

Il a aussi une jaguar électrique, saute généralement le repas de midi et ne mange de la viande que certains jours.

"Dans les années 70, c'était presque un visionnaire, mais on le traitait d'excentrique", souligne Penny Junor, auteur de plusieurs ouvrages sur la famille royale britannique. "C'est un activiste", estime pour sa part Michel Faure. "Il a des idées, veut les faire connaître, et persuader ses sujets qu’elles sont épatantes".

Sûr de lui, il n’aime guère être contredit et personne ne s’y essaie.

"Il est un peu égocentrique, il a grandi en étant le centre de son univers, avec des gens qui lui disaient qu'il était merveilleux", explique Penny Junor.

Dans les années 2000, il avait écrit à des ministres du gouvernement Blair pour parler de santé, d'éducation, mais aussi de la guerre en Irak ou de la pêche illégale à la légine australe, au risque d'être accusé d'ingérence politique.

Défenseur de la ruralité, critique de l'architecture moderne - il avait fait capoter dans les années 80 un projet d'extension de la National Gallery - il a créé deux petites villes sur ses terres dans le sud-ouest de l’Angleterre, Poundbury en 1993 et Nansledan, en 2013, basée sur ses idées d'une architecture traditionnelle et de développement durable.

Il a aussi prêché un œcuménisme religieux inattendu pour un futur chef de l’église anglicane.

Son train de vie parfois critiqué était jusqu'à présent alimenté par les revenus du duché de Cornouailles, créé en 1337 pour assurer la subsistance de l’héritier du trône. Ces 53.000 hectares de terres agricoles, commerces et propriétés lui rapportent plus de 20 millions de livres par an.

Infatigable, il continue à assurer des centaines d'engagements par an. Et peint des aquarelles à ses heures perdues.

Désormais roi, il va devoir désormais respecter une stricte neutralité.

"Il aura toujours un peu de mal à se contraindre" estime Michel Faure. "Il comprend parfaitement ce qu'est la monarchie et comment fonctionne notre constitution", tempère Penny Junor.

Et selon elle, avec ses nouvelles fonctions, devrait venir la popularité qui lui a tant fait défaut.

T.Abato--IM