Au musée avec une lampe torche: un nouvel éclairage sur l'art
"Une visite hors norme": à la lumière de lampes torches, une vingtaine de curieux arpentent de nuit le musée Unterlinden à Colmar, l'occasion de jeter une lumière différente et "un nouveau regard" fantomatique sur les œuvres.
Dans le hall d'accueil du musée célèbre pour abriter le retable d'Issenheim, joyau récemment restauré, le groupe patiente dans la pénombre.
Ambiance intimiste, quelques bougies sur le comptoir où des alcôves éclairées de rouge apportent un peu de visibilité. A leur arrivée, les 25 visiteurs se voient remettre une lampe de poche.
C'est la deuxième soirée de ce type qu'organise Unterlinden, après une première l'an passé pendant la nuit de Halloween, explique à l'AFP Samuel De Nita, directeur du développement de l'établissement.
L'idée, c'est de proposer un "nouveau regard" sur les œuvres, "faire découvrir le musée de manière totalement différente, toucher un public plus large" et montrer que c'est un lieu "accessible à tous", poursuit M. De Nita.
- "Vermine" -
Quand tout le monde est équipé, la visite peut commencer. Direction le cloître du musée, construit au XIIIe siècle. Au sol, des bougies balisent le chemin. A l'extérieur, le froid de l'hiver alsacien pique les visages.
Dans l'obscurité, une forme encapuchonnée se dessine : c'est la guide de la soirée - en réalité une médiatrice du musée. Elle brosse à grands traits l'histoire des lieux, tour à tour couvent ("entendez les pas des religieuses sur les dalles!"), prison ("les cellules des nonnes remplacées par des geôles putrides où grouille la vermine!"), hôpital, caserne, musée enfin...
Le clic des lampes électriques résonne dans la nuit, les faisceaux balaient les murs. L'assemblée emboite le pas de la femme en noir qui, lanterne à la main, s'enfonce par un escalier de pierre dans les entrailles du musée pour une visite des collections archéologiques avant de filer vers la salle des sculptures.
Chaque étape est prétexte à un commentaire décalé sur une oeuvre. Entre deux stations, les lampes se rallument, chacun tentant de grappiller un peu de temps pour observer les détails d'une statue ou d'un visage gravé.
Devant des stèles funéraires, musique sépulcrale en arrière-fond, la guide demande aux visiteurs de saluer la mémoire des défunts. Devant une "pharmacie", elle raconte l'histoire d'une "Soeur Apolline" qui a concocté pour une femme au coeur brisé un philtre d'amour... à base de digitale, une plante toxique.
Le coeur de la malheureuse cessa de battre, "son mal d'amour était résolu", grince la guide.
Vient le moment de contempler le fameux retable d'Issenheim, un polyptyque du XVIe siècle : il évoque la vie du Christ et la résurrection. Au moment d'entrer dans la chapelle l'abritant, on remise les torches et le retable est joliment éclairé par quelques projecteurs.
- "Ô mort!" -
"Regardez la vierge qui s'évanouit à la vue des souffrances de son fils", lance la guide devant la crucifixion. "Putréfaction, putréfaction, Ô mort, Ô mort", répète-t-elle, alors que des cloches sonnent au loin.
La visite, longue d'un peu moins d'une heure, se termine, les applaudissements retentissent.
Une expérience "hors norme, dans un lieu hors norme, dans des conditions hors norme", s'enthousiasme Emmanuel Chapotin, 54 ans. Cet hôtelier de Bergheim (Haut-Rhin) se dit particulièrement impressionné par "la scénographie qui met vraiment en avant le côté un peu mystique" du musée.
Sabrina Reszka, consultante en R&D, s'attendait à quelque chose de "plus classique" mais au final, elle est "impressionnée (...) on était en immersion, on est tout de suite emporté par la voix, l'ambiance", confie cette Colmarienne de 45 ans.
Quant à sa fille, Emy, collégienne de 12 ans, elle a tout simplement "adoré" : "Les décors, les lampes torches, que tout soit dans le noir (...) On se concentrait plus sur les éléments, on arrivait mieux à comprendre".
L.Marino--IM