Jean-Jacques Bourdin, le sniper de l'interview dans le viseur de la justice
Journaliste star de RMC et BFMTV, Jean-Jacques Bourdin, écarté "temporairement" de l'antenne dimanche après une accusation d'agression sexuelle, a passé pendant plus de vingt ans sur le gril les personnalités politiques, faisant de ces entretiens sous tension sa signature, jusqu'à sa mise en retrait.
La table sur laquelle trônaient deux micros lors de ses interviews était devenue un ring médiatique aussi couru que redouté.
Lancé en 2001 sur RMC, le face-à-face matinal de 8H30 de "Bourdin", essentiellement avec des personnalités politiques, a relancé la carrière du journaliste à l'aube de sa cinquantaine.
Auparavant, il était devenu l'une des voix emblématiques de RTL avec son accent du sud rocailleux, après 25 ans de maison.
Entré comme journaliste sportif en 1976, il devient reporter puis présentateur de journaux. Au début des années 1990, il est nommé rédacteur en chef et présentateur du très suivi journal de la mi-journée de ce qui était alors "la station de la rue Bayard" à Paris.
En 1996, il devient l'un des précurseurs des programmes de libre antenne en prenant les manettes de l'émission "Les auditeurs ont la parole". Il y restera jusqu'en 2000 avant de quitter RTL, sur fond de divergences avec la direction.
Après un passage à vide, Alain Weill, le PDG de NextRadioTV (devenu Altice Media), lui remet le pied à l'étrier sur RMC en 2001.
Il relève les audiences avec une mécanique d'interview offensive et un ton anti-parisianisme.
Bien que né en Ile-de-France - en juin 1949 à Bois-Colombes -, le journaliste, président d'honneur du club de football du Nîmes Olympique, revendique son ancrage cévenol, tiré de ses jeunes années passées à Alès dans une famille aisée.
Cet attachement au Gard, où il aime se ressourcer avec sa compagne journaliste Anne Nivat, lui sert à accentuer son positionnement de journaliste éloigné des mondanités de la capitale et refusant tout déjeuner avec les politiques.
- Scores d'audience -
Parmi les moments forts de ses interviews, il demanda à Jérôme Cahuzac, alors ministre du Budget soupçonné de fraude fiscale, "les yeux dans les yeux" s'il avait un compte en Suisse. Il désarçonna aussi Myriam El Khomri, ancienne ministre du Travail incapable de lui répondre sur le nombre de renouvellements de CDD.
"Je ne piège personne, ce n'est pas préparé. Les gens se piègent eux-mêmes", soutient l'animateur en 2019 dans un entretien au quotidien régional Midi-Libre.
Il use également de questions "politiquement concrètes", comme sur le prix du ticket de métro, face auxquelles l'invité peut difficilement se dérober. Mais cette approche, associée à certaines prises de position lors de sa libre antenne, lui valent d'être taxé de populiste.
L'homme à la voix de stentor n'en a cure. Il renvoie à ses scores d'audience, qui faisaient jusqu'à dimanche de ses interviews un passage obligé pour la sphère politique.
Ses entretiens tendus, avec des invités menaçant parfois de quitter le plateau, lui valent toutefois des inimitiés.
- Plainte pour agression sexuelle -
En 2020, BFMTV-RMC amorce un changement de cap pour le journaliste, qui se voit évincé de la matinale au profit de sa collègue Apolline de Malherbe.
Il conserve alors toutefois son interview matinale et obtient une place centrale dans le dispositif de la chaîne d'information pour l'élection présidentielle.
Mais après son éviction temporaire, c'est aussi Apolline de Malherbe qui prendra les commandes de son entretien matinal, dès lundi.
En janvier 2022, quelques jours avant le début de sa nouvelle émission phare dédiée aux candidats à l'Elysée, une ancienne journaliste de BFMTV-RMC et collègue de la matinale, porte plainte contre lui pour agression sexuelle. Une accusation qu'il conteste aussitôt.
Alors qu'une enquête judiciaire est ouverte, le journaliste est maintenu à l'antenne par le groupe Altice, qui annonce toutefois diligenter des investigations en interne.
En pleine campagne électorale, la position est difficilement tenable pour Jean-Jacques Bourdin.
Dès le début de sa nouvelle émission, il est étrillé en direct par Valérie Pécresse, candidate de LR, qui dénonce "la loi du silence" autour des violences faites aux femmes.
Puis vendredi, le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot annule tout bonnement son entretien.
Dimanche, Altice annonce finalement son retrait temporaire "à la demande de la direction".
J.Romagnoli--IM