Manifestations en Ouganda : les policiers déployés en nombre à Kampala, des meneurs arrêtés
Des dizaines de personnes ont été arrêtées mardi à Kampala et placées en détention pour avoir bravé une interdiction de manifester contre la corruption en Ouganda, parmi lesquelles des figures du mouvement.
Une soixantaine, dont un célèbre présentateur de télévision et de radio et trois jeunes leaders de la contestation, ont été déférées en comparution immédiate et inculpées de délits, notamment de "nuisance", ont dit leurs avocats.
Le président Yoweri Museveni, qui dirige ce pays d'Afrique de l'Est d'une main de fer depuis 1986, avait adressé une mise en garde samedi et prévenu les manifestants qu'ils "jouaient avec le feu".
"Certaines personnes ont défié les directives de la police", qui avait demandé de "ne pas participer à la marche vers le Parlement", et ont "interrogées", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police Kituuma Rusoke, sans préciser le nombre des personnes arrêtées.
Le mouvement, organisé hors de tout cadre politique, a pris forme sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse "StopCorruption" et les rassemblements étaient constitués de petits groupes épars de quelques personnes.
Inspirés par le soulèvement de la jeunesse au Kenya depuis le 18 juin contre un projet de budget décrié, de jeunes Ougandais avaient invité en ligne à marcher vers le Parlement.
La police antiémeute a été massivement déployée à Kampala, a érigé des barrages routiers dans le quartier d'affaires et bouclé les alentours du Parlement.
"Nous sommes fatigués de la corruption", a lancé un manifestant arrêté, Samson Kiriya, du fourgon de police dans lequel il avait été embarqué.
- "Nuisance" -
Trois organisateurs, George Victor Otieno, Kennedy Ndyamuhaki et Praise Aloikin Opoloje, "ont été arrêtés pendant qu'ils marchaient vers le Parlement", déférés et inculpés, ainsi qu'un présentateur de radio-télévision Faiza Salima, un influenceur et un médecin, a déclaré à l'AFP l'avocat Ashraf Kwezi.
Les trois derniers ont été "inculpés d'un délit léger de nuisance (...) et de désordre" mais "ils ont rejeté ces accusations". Ils doivent rester en détention jusqu'au 30 juillet, a précisé Me Kwezi.
Selon le président de l'Uganda Law Society Bernard Oundo, 50 personnes ont été inculpées devant un tribunal de Kampala et comparaîtront de nouveau entre le 30 juillet et le 8 août.
Cinq autres ont été inculpées par un tribunal distinct de la capitale, selon leur avocate Patience Muwanguzi qui a dénoncé "un procès précipité" et des incarcérations sans possibilité de libération sous caution.
Plusieurs manifestants arrêtés avaient notamment crié "Anita must go" (Anita doit partir), ciblant Anita Among, la présidente du Parlement, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont sanctionné cette année Mme Among et trois anciens ou actuels ministres pour corruption présumée, en particulier dans une affaire de vol de plaques de tôle destinées à la construction de logements sociaux. Mme Among n'est pas poursuivie en Ouganda.
- Opposition réprimée -
Le chercheur à Human Rights Watch en Ouganda Oryem Nyeko a estimé que les arrestations étaient "le reflet de la situation actuelle de l'Ouganda en matière de respect des droits".
"Le gouvernement ne devrait pas arrêter des gens parce qu'ils critiquent la façon dont le pays est dirigé mais plutôt entendre leurs doléances et prendre les mesures adéquates", a-t-il affirmé.
Lundi, les autorités ougandaises ont fait arrêter au siège de la Plateforme d'unité nationale (NUP, le principal parti d'opposition) de l'ancien candidat à la présidentielle de 2021 Bobi Wine trois députés de ce parti.
Bobi Wine a apporté son soutien au mouvement #StopCorruption. "Salut à tous ceux qui ont courageusement marché et marchent encore contre la corruption et la mauvaise gestion, même face aux actions très brutales de l'armée et de la police !" a-t-il posté sur X.
Les locaux de la NUP restaient sous haute surveillance policière mardi, a constaté un journaliste de l'AFP.
Selon l'ONG Transparency International, l'Ouganda, un pays pauvre et enclavé de la région des Grands lacs, pointe au 141e rang sur 180 en matière de corruption.
I.Pesaro--IM