Nouvelle-Calédonie: coup de filet contre le mouvement accusé d'être à l'origine des émeutes
Coup de filet spectaculaire dans les milieux indépendantistes en Nouvelle-Calédonie: le chef du mouvement soupçonné par les autorités d'avoir orchestré les émeutes contre la réforme électorale a été arrêté mercredi avec dix autres personnes.
Le responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), Christian Tein, et les dix autres interpellés ont été placés en garde à vue, a confirmé le procureur de Nouméa, Yves Dupas.
Ces suspects sont interrogés dans le cadre d'une enquête visant "les commanditaires présumés des exactions commises (...) à compter du 12 mai 2024" dans l'archipel, a précisé le magistrat.
Elle vise notamment des faits d'association de malfaiteurs, vols avec armes en bande organisée, complicité par instigation de meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique, a-t-il ajouté.
Comme l'a rappelé le procureur de Nouméa, les gardes à vue entamées mercredi peuvent se prolonger pendant quatre-vingt-seize heures "s'agissant de faits relevant de la criminalité organisée".
M. Tein a lui-même contacté la gendarmerie pour être conduit devant les enquêteurs "dans le but de s'expliquer sur les faits reprochés", selon Yves Dupas.
L'opération déclenchée mercredi dès 6h00 heure locale, intervient cinq semaines après le début des violences qui agitent le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis celles des années 1980.
Nourries par le vote d'un projet de loi constitutionnel visant à élargir le corps électoral calédonien pour le scrutin provincial prévu fin 2024, ces émeutes ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, des centaines de blessés et des dégâts considérables, d'un coût estimé à 1,5 milliard d'euros, selon le dernier bilan.
- "Provocation" -
Le camp indépendantiste s'oppose à ce texte, qu'il accuse de vouloir rétrécir son poids politique.
La réforme, qui devait encore être approuvée par l'Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, a été suspendue par la dissolution de l'Assemblée décidée par Emmanuel Macron après la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin.
Si l'intensité des violences s'est réduite ces derniers jours, permettant la réouverture de l'aéroport et d'écoles lundi, de nombreux barrages perturbent encore l'activité sur le Caillou, malgré le renfort de 3.500 policiers et gendarmes.
Dans un courrier envoyé mardi aux habitants de l'archipel, le chef de l'Etat a une nouvelle fois exigé "la levée ferme et définitive de tous les barrages" et la "condamnation des violences sans faux-semblant".
Depuis les premières violences le 13 mai dernier, la CCAT est soupçonnée par les autorités d'être l'instigatrice des violences. Elle a été qualifiée d'"organisation mafieuse" par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin.
Le collectif indépendantiste, dont le chef Christian Tein devait tenir une conférence de presse mercredi matin, a toujours démenti être à l'origine des troubles.
Dans un communiqué, la CCAT a déploré l'opération des forces de l'ordre mercredi, qualifiée de "provocation" qui "vient créer plus de doutes et de tensions au sein de la population". Elle a demandé à ses militants de "rester mobilisés" dans l'attente de nouvelles consignes.
- "Retour à l'ordre" -
L'Union calédonienne (UC, pro-indépendantiste) a pour sa part dénoncé des "arrestations abusives alors que des responsables locaux anti-indépendantistes et des miliciens criminels se pavanent en toute liberté".
Des bureaux de la CCAT, situés dans un bâtiment qui abrite également le siège de l'UC, ont fait l'objet d'une perquisition, a confirmé le procureur.
Dans le camp des anti-indépendantistes, deux mouvements, Les Loyalistes et le Rassemblement LR, ont "pris acte" de l'opération visant la CCAT, rappelant que le retour à l'ordre constituait "la seule condition de retour à un dialogue sincère et constructif".
"Nous avons été entendus", s'est pour sa part réjoui Nicolas Metzdorf, le député Renaissance sortant.
"Après un mois de désarroi, le retour à l'Etat de droit apparaît possible", a-t-il ajouté, "ceux qui n'ont jamais dénoncé les responsables de la CCAT et qui n'ont eu que le renoncement comme maître mot doivent se sentir bien seuls aujourd'hui".
Dans le centre-ville de Nouméa, un vaste périmètre de sécurité a été mis en place devant le siège de la gendarmerie où se déroulent les gardes à vue.
Les rues alentour ont été fermées à la circulation, ont constaté des journalistes de l'AFP, et de nombreux magasins, banques et administrations ont fermé leurs portes en fin de matinée.
B.Agosti--IM